Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/123

Cette page n’a pas encore été corrigée

Lamas des lamaseries voisines, et les prières se continuent pendant huit ou quinze jours, jusqu'à ce que les Lamas s'aperçoivent que le diable n'y est plus, c'est-à-dire autant de temps qu'ils ont envie de vivre aux dépens de la famille dont ils exploitent le thé et les moutons. Si au bout du compte le malade vient à mourir, c'est alors la preuve la plus certaine que les prières ont été bien récitées, et que le diable a été mis en fuite : il est vrai que le malade est mort ; mais il n'y perdra certainement pas : les Lamas assurent qu'il transmigrera dans un état plus fortuné que celui qu'il vient de quitter.

Les prières que récitent les Lamas pour la guérison des malades sont quelquefois accompagnées de rites lugubres et effrayants. M. Huc, étant chargé de la petite chrétienté de la Vallée-des-Eaux-Noires, eut occasion de faire connaissance avec une famille mongole, qu'il visitait de temps en temps, afin de s'initier aux usages et à la langue des Mongols. Un jour, la vieille tante du noble Tokoura, chef de cette famille, fut prise par les fièvres intermittentes. — J'inviterais bien le docteur Lama, disait Tokoura ; mais s'il déclare qu'il y a un Tchutgour, que deviendrai-je ? Les dépenses vont me ruiner. Après quelques jours d'attente, il se décida enfin à inviter le médecin ; ses prévisions ne furent pas trompées. Le Lama annonça que le diable y était, et qu'il fallait le chasser au plus vite ; les préparatifs se firent donc avec la plus grande activité : sur le soir huit Lamas arrivèrent, et se mirent à façonner, avec des herbes sèches, un grand mannequin qu'ils nommèrent le diable des fièvres intermittentes ; par le moyen d'un pieu qu'ils