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La France avait été précédée dans cette œuvre de progrès par plusieurs nations de l’Europe. La Prusse avait aboli la torture en 1754 ; la Russie, en 1767[1] ; la Bavière, en 1767 ; la Saxe, en 1770 ; la Suède, en 1772 ; l’Autriche, en 1776 ; les Pays-Bas autrichiens, en 1787[2]. N’oublions pas de dire, à la gloire de l’Angleterre, que la torture avait été rayée des lois anglaises dès 1641[3].

Retraçons maintenant d’une manière succincte l’histoire du mouvement des esprits contre la question judiciaire dans deux pays qui nous touchent de près : l’Autriche, dont les souverains étaient aussi les nôtres au XVIIIe siècle, et la république des Provinces-Unies, dont les habitants entretenaient avec les Belges des rapports suivis, facilités par la contiguïté des territoires, l’origine commune et l’identité de la langue, au moins dans la région flamande des Pays-Bas autrichiens.

Lorsque, en 1755, se réunit à Vienne la commission chargée d’élaborer un code criminel pour les États autrichiens, pas une voix ne s’éleva contre le maintien de la torture. On conserva ce qui existait et, à l’unanimité, on décida d’inscrire dans la loi qu’avant et après chaque aggravation des tourments, le juge recommanderait au patient de penser à Dieu et de dire la vérité, afin de ne pas s’exposer à souffrir davantage[4].

Cependant, à plus d’une reprise déjà, les errements de la procédure criminelle avaient été relevés par des hommes de valeur qui avaient montré les graves défauts du système d’instruction ; il suffira de rappeler Loos, von Spee, Tanner, Thomasius[5], qui avaient éloquemment plaidé la cause de l’humanité et de la justice. Mais leurs écrits étaient demeurés sans effet

  1. Le décret de Catherine du 30 juillet 1767 est précédé de considérants qui semblent empruntés au Traité des délits et des peines, et qui certainement sont inspirés par l’esprit de Beccaria.
  2. Voir chap. III.
  3. On a même soutenu que la torture avait toujours été inconnue en Angleterre [Voir Allard, Hist. du dr. crim. au XVIe siècle, p. 307]. C’est une erreur. Voir le Théâtre des cruautés des hérétiques, et Jardine, Reading of the use of torture ; ce dernier, p. 73, en cite cinquante-cinq cas, entre les années 1551 et 1640.
  4. Wahlberg, Bruchstücke der Genesis der Theresiana dans Gesammelte, kleinere Schrifte, t. II, p. 120.
  5. Voir Bermann, Maria Theresia und Kaiser Joseph II, t. II, p. 847.