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victime avait la nuque ou le cou tranché[1]. La lapidation était un rite ancien qui n’apparaît plus, en Judée, que dans certains cas d’exécution pénale, en Grèce, qu’à l’état de témoin, dans le rituel de quelques fêtes[2]. Ailleurs, la victime était assommée[3] ou pendue[4]. On ne pouvait entourer de trop de précautions une opération aussi grave. Le plus souvent, on voulait que la mort fût prompte ; on brusquait le passage entre la vie terrestre de la victime et sa vie divine, afin de ne pas laisser aux influences mauvaises le temps de vicier l’acte sacrificiel. Si les cris de l’animal passaient pour de mauvais présages, on essayait de les étouffer ou de les conjurer[5]. Souvent, en vue d’éviter les déviations possibles de la consécration déchaînée, on cherchait à régler l’effusion du sang consacré[6] ; on veillait à ce qu’il ne tombât qu’à l’endroit propice[7], ou bien encore on

  1. Ce qui avait lieu dans tous les cas du rituel hébraïque (Lév. I, 5, etc.), sauf dans le sacrifice des pigeons, dont la gorge était entamée avec l’ongle (Lév. I, 14, 15). — En Grèce, voir Od., Γγ, 449. — Apoll. Rhod., Arg., I, 429 sqq.Soph., Aj., 296 sqq.
  2. Lapidation du Pharmakos dans les Thargélies, Eurip., Androm., 1128 ; Istros, F. H. G., I, p. 422. — Cf. la fête des λιθοβόλια à Trézène, Paus., II, 32. — Cf. Mannh., W. F. K., I, 449, 548, 552. — La lapidation semble avoir eu pour but de « diviser la responsabilité » entre les assistants : Jevons, Introd. Hist. Rel., p. 298. Victime frappée de loin, voir Suidas, βουτύπος. Cf. Porph., de Abst., II, 54 sqq.
  3. Dion. Hal., VII, 72, p. 1459. — Apoll. Rhod., Arg., I, 426. — Od., Ξ, 425.
  4. Rob. Smith, op. cit., p. 370.
  5. Dans l’Inde védique, une série d’expiations étaient prescrites au cas où, depuis son entrée dans le champ du sacrifice, l’animal faisait des signes sinistres (T. B., 3, 7, 8, 1, 2 : v. commentaire ; voir Schwab, Thier., p. 76, no 46), au cas où, préparé pour l’asphyxie, l’animal pousse un cri, ou touche son ventre avec son pied, Âp. çr. sû., VII, 17, 2, 3 ; cf. T. S., 3, 1, 5, 2. Voir, pour d’autres faits, Weber, Omina et Portenta, p. 377 sqq.
  6. On connaît le principe biblique qui exigeait que tout sang fût consacré à Dieu, même celui des bêtes tuées à la chasse : Lév. XVII, 10 ; XIX, 25 ; Deut. XII, 16, 23, 25 ; XV, 23. — Cf. en Grèce, Od., Γ, 455 ; Ξ, 427. — Stengel, op. cit., p. 401. — Höfler, Corr. Blatt. d. D. Gesell. f. Anthrop., 1896, p. 5. Même précaution à l’égard du lait, Höfler, ib..
  7. En Judée, le sang recueilli dans des vases était remis au prêtre officiant (Lév. I, 5 ; IX, 12) et celui-ci en faisait l’usage rituel. — En Grèce, dans quelques sacrifices, le sang était recueilli dans une coupe, σφάγιον ou σφαγεῖον : Poll., X, 65. — Xén., Anab., II, II, 9.