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tête de la victime. Enfin, après ces lustrations et ces onctions, vient dans le rituel védique, une dernière cérémonie qui a pour effet d’enfermer la victime elle-même dans un dernier cercle magique, plus étroit et plus divin que les autres. Un prêtre prend, du feu des dieux, un brandon et, ce brandon à la main, il fait trois fois le tour de la bête. On tournait ainsi dans l’Inde, autour de toutes les victimes avec ou sans le feu. C’était le dieu, Agni, qui entourait la bête de toutes parts, la sacrait, la séparait[1].

Mais tout en avançant ainsi dans le monde des dieux, la victime devait rester en relations avec les hommes. Le moyen employé pour assurer cette communication est fourni, dans les religions que nous étudions ici, par les principes de la sympathie magique et religieuse. Quelquefois, il y a représentation directe, naturelle : un père est représenté par son fils qu’il sacrifie, etc[2]. En général, le

  1. C’est la cérémonie du parayagnikriya, de la circumambulation avec le feu. Âp. çr. sû., VII, 15, 1. Le rite est certainement de la plus haute antiquité, car le prêtre (le maitrâvaruṇa, cf. Weber, Ind. St., IX, p. 188) répète Âçv. çr. sû., III, 2, 9 sqq.) l’hymne R. V., IV, 5, 1-3 (voy. Trad. Old. et notes in S. B. E., XLVI ad loc.). — Le sens du rite est triple. C’est d’abord un tour du feu, d’Agni, dieu prêtre des dieux, dépositaire des trésors, qui sacre la victime, la conduit vers les dieux en lui montrant le chemin (tel est le sens des trois vers du R. V. employés en cette occasion et composés spécialement pour elle, cf. Ait. Br., 6, 5, 1 et 6, 11, 3. La victime est ainsi divinisée (cf. T. S., 6, 3, 8, 2 ; Ç. B., 3, 8, 1, 6). C’est ensuite un simple cercle magique. On écarte les démons, qui rôdent, comme le dieu, autour de la victime. C’est enfin un tour rituel bon, fait de gauche à droite, dans le sens des dieux (Baudh. çr. sû., II, 2, cité par Caland), qui a une vertu magique par lui-même. Sur la question des circumambulations autour des victimes, voir Simpson, The Buddhist praying-wheel et le compte rendu que nous en avons fait, Ann. Soc., 1897, et surtout l’exhaustive monographie de M. Caland, Een Indogermaansch Lustratie-Gebruik, Versl. en Mededeel. d. Konink. Ak. v. Wetensch. Afd. Letterkunde, 4e Reeks, Deel II, 1898, p. 275 sqq. — Le rite est, en premier lieu, fondamental dans le rituel hindou, domestique (cf. Pâr. gṛh. sû., 1, 1, 2) et solennel (Hilleb., N. V. O., p. 42. Cf. Ç. B., 1, 2, 2 et 3 ; voir Caland, op. cit., n. 2 et 3, p. 300) ; en second lieu, à peu près en général dans les populations indo-européennes (voir Caland) ; enfin, fort répandu un peu partout.
  2. II Rois III, 27 ; Ézéch. XVI, 36 ; Cf. Genèse, XXII ; Deut. XII, 31 ; Ps. CVI, 37 ; Jes. LVII, 5. — Luc., Dea Syr., 58. — Légende d’Athamas. Preller, Gr. Myth., II, p. #12. — Cf. Basset, Nouv. Contes berbères, 1897, no 91. — Hoefler, Corr. Bl. d. d. Ges. f. Anthr., 1896, 3. — Sacrifice d’un