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lieu du sacrifice. Encore fallait-il entretenir la pureté et la sainteté du temple et du sanctuaire : des sacrifices journaliers[1] et une cérémonie expiatoire annuelle répondaient à ce besoin[2].

Chez les Hindous, il n’y avait pas de temple. Chacun pouvait se choisir le lieu qu’il voulait pour sacrifier[3] ; mais ce lieu devait être au préalable consacré au moyen d’un certain nombre de rites dont le plus important est celui qui consistait à établir les feux[4]. Nous ne le décrirons pas dans le détail. Les cérémonies complexes qui le constituent ont pour objet de créer un feu dans lequel il n’entre que des éléments purs, déjà consacrés à Agni[5]. Même l’un de ces feux est allumé par friction, afin qu’il soit entièrement neuf[6]. Dans ces conditions, il a une vertu magique qui écarte les mauvais génies, les maléfices et les démons.

  1. Ex. XXXIX, 38. — Cf. Porph., de Abst., I, 25 etc. Sur la perpétuité du feu de l’autel, et la façon dont la destinée d’Israël est liée à celle du Temple, voir surtout Daniel, IX, 27, VIII, 11-15, XI, 31, etc. Ceci est devenu un thème légendaire de la littérature juive.
  2. Ex. XXX, 10. — Ézéch. XLV, 14.
  3. Pourvu qu’il fût propice et déclaré « sacrificiel » (yajñiya) par les brahmanes.
  4. Sur l’établissement des feux, voir Hillebr., Rit. Litte., § 59. — Koulikovski, Les trois feux sacrés du Rig-Veda, Rev. de l’Hist. des Rel., XX, p. 151 sqq. ne traite que de la répartition des feux. — Weber, Ind. St., IX, p. 216. — Eggeling, ad Çat. Br. (S. B. E., XII, 247 sqq.).
  5. Les matières avec lesquelles et sur lesquelles il est allumé, préparé, (les saṃbharas) correspondent toutes à un mythe fort important (T. B., 1, 1, 3 et 5, cf. Ç. B., 2, 1, 4). Ce sont des choses dans lesquelles paraît résider quelque chose d’igné, de particulièrement vivant. Tellement vivantes même, que la légende voit en certaines d’entre elles les formes primitives du monde. Cette création du feu symbolise la création du monde.
  6. Le feu est toujours allumé par friction : lors de la position des feux, lors du sacrifice animal, lors du sacrifice du soma. Voy. Schwab, Thierop., § 47, p. 77 sqq. ; Weber, Ind. St., I, 197, n. 3 ; A. Kuhn, Herabkunft des Feuers und des Göttertranks, p. 76 sqq. Autour de cette création du feu-dieu, les brahmanes ont, dès le Rig-Veda, mêlé des conceptions panthéistiques. Car seul le feu du sacrifice est excellent, seul il est l’Agni complet, contient « les trois corps d’Agni », son essence terrestre de feu domestique, atmosphérique (éclair), céleste (soleil) ; il contient tout ce qu’il y a d’animé, de chaud, d’igné dans le monde (T. B., 1, 2, 1, 3, 4).