Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sortes de soins. La veille, on l’entoure de vieillards qui lui lisent la section de la Bible où est exposé le rituel du Kippour. On ne lui donne que peu à manger ; après quoi, on le conduit dans une chambre spéciale[1] où on le laisse après lui avoir fait jurer de ne rien changer aux rites. « Puis, en pleurant, lui et eux, ils se séparaient[2]. » Toute la nuit, il doit veiller[3], car le sommeil est un moment pendant lequel des souillures involontaires peuvent être contractées[4]. Ainsi tout le rituel pontifical tend vers le même but : conférer au grand-prêtre une sanctification extraordinaire[5], qui lui permette d’aborder le dieu derrière le propitiatoire et de supporter le fardeau des péchés qui seront accumulés sur sa tête.

3o  Le lieu, les instruments. — Il ne suffit pas que le sacrifiant et le prêtre soient sanctifiés pour que le sacrifice proprement dit puisse commencer. Celui-ci ne peut avoir

    tume pontifical, lequel avait, on le sait, des vertus particulières. Ex. XXVIII.

  1. La cellule de Beth-Abdinos.
  2. Ib., I, 5, Mischnâ. La Gemara (ad loc.) donne plusieurs explications de ce rite incompris. L’une d’elles semble indiquer ce qui a pu en être le vrai sens : les vieillards pleurent parce qu’ils sont forcés d’abandonner, ainsi isolé, le pontife dont la vie est à la fois si précieuse et si fragile.
  3. Pour cela, ou bien il fait lui-même de l’exégèse biblique, ou il écoute des docteurs, ou on lui lit des passages bibliques. La prescription de s’occuper, pendant la veille du sacrifice, de choses sacrées, d’en parler et de ne parler que d’elles est aussi une prescription du sacrifice hindou ; c’est encore une prescription sabbatique et, en général, une règle des fêtes dans la plupart des rituels connus. Les vigiles chrétiennes, d’abord spécialement pascales, puis multipliées, sont peut-être l’imitation des doctes entretiens du soir de la Pâque juive.
  4. Des pertes séminales, telle est l’explication, juste mais partielle, que donne notre texte. En effet, il faut se rappeler que ls sommeil est très généralement considéré comme un état dangereux ; car l’âme est alors mobile, hors du corps, et peut n’y pas rentrer. Or la mort du grand-prêtre serait une calamité. On la prévient en l’obligeant à veiller. — Le sommeil est de même un état dangereux pour la dîkṣita hindou, qui dort à l’abri d’Agni, près du feu, dans une position spéciale (cf. T. S., 6, 1, 4, 5, 6).
  5. Yoma, I, 2 et Gem. Talm. J., Schwab, v. p. 168. Cf. Misch., ib., III, 3.