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de la famille de Baithos[1]. En augmentant sa sainteté personnelle[2], il se facilitait l’abord difficile du sanctuaire, il se donnait des sauvegardes.

Mais il ne se sanctifiait pas seulement pour lui-même : il se sanctifiait aussi pour la personne ou pour la société au nom de laquelle il agissait. Il devait même prendre d’autant plus de précautions qu’il exposait, en même temps que lui-même, ceux dont il était le substitut. C’est ce qui était particulièrement marqué à la fête du Grand Pardon[3]. En ce jour, en effet, le grand-prêtre représente le peuple d’Israël. Il pardonne à la fois pour lui et pour Israël, pour lui et sa famille avec le taureau, pour Israël avec les deux boucs[4]. C’est à la suite de cette expiation qu’il pénètre, faisant fumer l’encens, derrière le voile du Saint des Saints[5] où il trouve Dieu dans le nuage. D’aussi graves fonctions nécessitaient des préparations toutes spéciales, en rapport avec le rôle quasi divin que le prêtre remplissait. Les rites ressemblent, toutes proportions gardées, à ceux de la dîkṣâ dont nous parlions tout à l’heure. Sept jours avant la fête, le grand-prêtre s’isole de sa famille[6], il se tient dans la cellule des paredri (des assesseurs)[7]. Comme le sacrifiant hindou, il est l’objet de toutes

  1. Voy. le récit légendaire de Gem. ad Talm. J., Traité Yoma, I, 1, 5, qui dit qu’un grand-prêtre qui ferait une hérésie rituelle au jour du Kippour, mourrait sur-le-champ, que des vers sortiraient alors de son nez, un sabot de pied de veau de son front, comme il était arrivé aux prêtres de la famille de Baithos.
  2. Cf. Tossifta Soukka, III, 16.
  3. Nous nous servons de la Mischnâ et du Talmud de Jérusalem (nous renvoyons pour plus de commodité à la trad. Schwab). Traité Yoma, ch. II, III, Schwab, V, p. 158. Voir à ce sujet J. Derenbourg, Essai de Restitution de l’ancienne rédaction de Mussechet Kippourim, Rev. Études Juives, VI, 41. — Houtsma, Over de Israelitische Vastendagen, Versl. Med. d. k. Ak. v. Wet. Afdeel. Letterk., 1897, Amsterdam.
  4. Lév. XVI.
  5. Ib., 2.
  6. Talm. J., Yoma (Schwab, p. 161). À l’occasion du Kippour, on renforçait la pureté sacerdotale et on en arrivait à l’isolement absolu.
  7. Pendant ces sept jours le grand-prêtre fait le service en grand cos-