Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de certains cas d’offrande de la chevelure ; ici encore, le sujet qui sacrifie est, par la partie de sa personne qui est offerte, en communication directe avec le dieu[1]. Sans doute, il y a entre ces rites et le sacrifice des rapports de connexité ; ils doivent pourtant en être distingués.

Mais cette première caractéristique n’est pas suffisante ; car elle ne permet pas de distinguer le sacrifice de ces faits mal définis auxquels convient le nom d’offrandes. En effet, il n’y a pas d’offrande où l’objet consacré ne s’interpose également entre le dieu et l’offrant et où ce dernier ne soit affecté par la consécration. Mais, si tout sacrifice est, en effet, une oblation, il y a des oblations d’espèces différentes. Tantôt, l’objet consacré est simplement présenté comme un ex-voto ; la consécration peut l’affecter au service du dieu, mais elle n’altère pas sa nature par cela seul qu’elle le fait passer dans le domaine religieux : celles des prémices, qui étaient seulement apportées au temple, y restaient intactes et appartenaient aux prêtres. Dans d’autres cas, au contraire, la consécration détruit l’objet présenté : dans le cas où un animal est présenté à l’autel, le but que l’on poursuit n’est atteint que quand il a été égorgé, ou mis en pièces, ou consumé par le feu, en un mot, sacrifié. L’objet ainsi détruit est la victime. C’est évidemment aux oblations de ce genre que doit être réservée la dénomination de sacrifice. On pressent que la différence entre ces deux sortes d’opérations tient à leur inégale gravité et à leur inégale efficacité. Dans le cas du sacrifice, les énergies religieuses mises en jeu sont plus fortes ; de là, leurs ravages.

Dans ces conditions, on doit appeler sacrifice toute oblation même végétale, toutes les fois que l’offrande, ou qu’une partie de l’offrande, est détruite, bien que l’usage paraisse réserver le mot de sacrifice à la désignation des seuls sacri-

  1. Sur la consécration de la chevelure, voir G. A. Wilken, Haaropfer, Rev. col. Inter., 1884 ; Rob. Smith, Rel. of Sem., p. 324 sqq. Cf S. Hartland, The Legend of Perseus, vol. II, p. 215.