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tiques du calendrier ont la même nature qualitative que les fêtes proprement dites. On constate ou bien qu’elles sont choisies pour la célébration des rites, ou bien qu’elles sont sanctifiées par des rites. Leur caractère religieux se manifeste de la même façon, que celui des fêtes : par des rites positifs, des interdictions[1], la présence du surnaturel[2], en un mot par tout ce qui constitue l’anormal[3], par tout ce qui peut les distinguer de la masse des jours qui coulent sans bruit. Inversement les fêtes proprement dites ont été ou tendent à être des pivots du calendrier. Ce balancement, cet échange de caractères et de fonctions entre les dates calendaires et les fêtes est tout particulièrement facile à observer dans les époques d’incertitude, telles que les premiers siècles du moyen âge, où s’établissait l’équilibre des institutions romaines, chrétiennes, germaniques et celtiques, dans l’Europe du Nord et de l’Ouest. On voit, par exemple le 1er janvier, fête des Calendes, prendre décidément les traits d’une fête du type de la Saint-Jean[4] et, par contre, des fêtes sans fonction calendaire à l’origine, Pâques et Noël, se substituer progressivement, comme termes de la division du temps, aux vieilles fêtes saisonnières telles que la Saint-Martin.

Ainsi, les parties du temps où se passent les choses religieuses sont sacrées comme ces choses elles-mêmes. Cette convention essentielle préside à la formation des conventions énumérées d’abord, qui ont précisément pour objet de définir les conditions dans lesquelles se réalise

  1. Wuttke, o. l., 75 ; Rawlinson, Western Asias Inscriptions, V, 48, 49.
  2. Pouvoirs spéciaux de certains êtres aux dates critiques : Wuttke, l. l. ; Eckhart, Südhannoversches Sagenbuch, p. 28 (pouvoir des enfants nés le dimanche). — Circulation des esprits : Wuttke, l. l. ; Peal, Zeitschrift für Ethnologie, 1899, p. 355 (retour des âmes, chez les Nâgas, à la nouvelle lune de décembre) ; Talmud Babli, Baba Batra 74 a (retour des âmes tous les trente jours).
  3. Interruption de l’ordre social aux fins de périodes : cf. Gessert, Globus, 1898, II, p. 250.
  4. A. Tille, Yule and Christmas, p. 81 sq. et passim.