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présence réelle dans le sacrifice, ainsi que les vertus indéfinies des choses et des actes magiques.

M’étant proposé d’étudier cette année dans mon cours ce que l’on sait des divisions primitives de l’année chez les anciennes nations germaniques, j’ai essayé de grouper en manière de préface, les anomalies que présente, en général, le décompte du temps dans la religion. Ces anomalies, qui trahissent la contradiction des caractères respectifs du temps normal et du sacré, sont de nature à mettre sur la piste de la notion du temps religieux. Je supposerai acquis que cette notion religieuse de temps est celle qui a présidé à l’élaboration des calendriers. Il n’est pas à démontrer en effet que ceux-ci se sont formés dans les religions.

Ils comportent, en outre, dans la distinction et la détermination des dates et des périodes, un réseau confus de particularités, dont ni l’observation des durées concrètes, ni l’idée abstraite que nous avons du temps, c’est-à-dire l’idée d’une grandeur continue, indéfiniment divisible en parties successives, homogènes et impénétrables, ne saurait rendre compte parfaitement. C’est la substance de ces leçons que je donne ici.

Il ne s’agit pas, dans ce mémoire, de psychologie, ni, par conséquent, de décrire les jugements variables que les individus portent, chacun pour soi, sur les durées, ou d’expliquer l’incohérence de ces jugements. Les représentations sur lesquelles porte mon étude ont quelque chose de conceptuel et aussi de conventionnel  ; elles appartiennent en commun à des collectivités ; elles ont une sorte de rigidité législative. — Je ne prétends pas davantage pousser l’analyse de l’idée de temps jusqu’à la métaphysique. Je cherche à savoir simplement ce qu’elle a été en fait et cela seulement dans certaines classes de jugements et de raison-

    sacrifice, dans Année sociologique, t. II, p. 29 sq. ; id., o. l., ibid., t. VII, p. 1 sq. ; M. Mauss, L’origine des pouvoirs magiques dans les sociétés australiennes, 1904, passim.