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accès à la corporation des magiciens et, d’autre part, l’entrée dans le corps des docteurs est conçue comme une révélation, car c’est malgré tout de façon surnaturelle qu’au cours des rites on acquiert les pouvoirs magiques. C’est pourquoi, dans quelques renseignements précis, il nous est bien dit que le jeune magicien initié, même après avoir été mis en relation avec les esprits, reçoit une éducation très longue, ses pouvoirs n’arrivant à maturité qu’après un certain temps[1].

Il lui faut en effet acquérir la connaissance des substances et des rites traditionnels ; il lui faut, afin de ne pas ébranler, par des dérogations aux règles, les croyances qu’il s’agit d’exploiter, probablement, quelques tours de main indispensables. Il lui faut enfin le temps de se faire reconnaître comme magicien, de faire ses preuves ; et il est soumis à des épreuves quasi expérimentales. Peut-être y soumet-il lui-même son pouvoir. C’est du moins ce qu’il est permis de supposer. Une remarque très fine de MM. Spencer et Gillen[2] dit que le nouveau magicien Arunta met quelque temps à se convaincre qu’il a bien réellement subi les aventures dont la tradition impose d’ailleurs l’image à son rêve. Il lui faut méditer pour retrouver et vérifier des souvenirs qui lui sont fournis stéréotypés par tous les on-dit. Il y a une nécessité psychologique qui fait que la révélation devient une espèce de tradition, même chez l’individu qui en fut le héros.

Il en est, toutes proportions gardées, exactement mais inversement de même en ce qui concerne les initiations par les magiciens. Elles sont, à quelque degré, des révélations. Non seulement certaines d’entre elles cadrent exactement avec des initiations par révélation, mais encore toutes ont pour effet de transporter les magiciens dans un monde spécial, imaginaire, de les mettre en contact direct avec les

  1. Voir plus haut, p. 163 et n. ; un fait du même genre pour une initiation par les magiciens, Roth, loc. cit. plus haut, p. 178, n. 2.
  2. N. T., p. 525.