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Kabis du Queensland[1] nous affirment que quiconque avait échappé miraculeusement à la mort était réputé magicien.

Mais, si le miracle suffit quelquefois, il semble devoir être toujours nécessaire pour prouver une initiation miraculeuse par elle-même. C’est à ses œuvres que l’on reconnaît le magicien ; il faut qu’il démontre autrement que par ses récits ; ses aventures merveilleuses ne sont crues que s’il les fait suivre de cures et de prouesses merveilleuses elles aussi[2]. Il se distingue du charlatan quelquefois par les stigmates qu’il porte[3], toujours par les événements qu’il suscite et qui font éclater sa qualité.

Le système de la révélation magique se présente donc avec une extraordinaire uniformité dans toute l’Australie. Nous pouvons résumer les caractéristiques de cette institution en un petit nombre de thèses :

1o La révélation se produit normalement chez des individus isolés et non pas en groupe[4]. Elle est un phénomène social qui ne se produit qu’individuellement.

2o Elle est souvent provoquée par l’individu qui se sent apte à devenir magicien, et a soit des relations particulières avec d’autres magiciens, soit des dispositions nerveuses déterminées[5]. Le futur magicien se retire dans la solitude, forêt ou désert, se soumet souvent à des rites, qui sont ou des jeûnes et des privations, ou bien des exercices intellectuels violents[6]. Il s’intoxique ainsi et se prépare à des hal-

  1. Curr, Austr. Race, I, p. 177.
  2. Il serait intéressant de discuter ici ce que M. Roth, Superstition, etc., p. 31, nous dit de la différence entre le charlatan et le magicien, et de la façon dont les distingue le groupe de tribus étudiées par lui. (N. W. Queensland central). Cf. Ethn. St., p. 153 pour la preuve de l’initiation traditionnelle.
  3. Voir plus haut, p. 162.
  4. Sauf le cas des Combiningree, voir plus haut, p. 152.
  5. Qui s’expriment quelquefois par la « maladie ».
  6. Comme celui de dormir sur un tombeau.