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Pourtant nous attendons encore qu’il nous démontre l’existence des clans auxquels auraient appartenu lesdits totems[1]. Mais, même s’il nous la prouvait à l’aide de survivances certaines, héritage sur le sol grec et sur le sol latin de prédécesseurs depuis longtemps oubliés, nous ne serions pas encore satisfaits en raison de ce que nous avons dit plus haut. Il faudrait encore que, dans les cultes en question, la tradition sacrificielle remontât jusqu’aux origines totémiques, en d’autres termes que le cheval — Hippolyte, — le faon — Penthée, le bouc ou le taureau — Dionysos eussent été de tous temps déchirés (sparagmos) et mangés tout crus (omophagia) dans des fêtes orgiastiques et qu’ils l’eussent été à titre de totems. À cette condition seulement les faits allégués par M. Reinach pourraient prouver que le sacrifice du dieu est un sacrifice totémique ou sort d’un pareil sacrifice. À notre avis, dans les cultes dont traite M. Reinach, s’il y a d’anciens totems ils n’ont servi qu’à habiller les dieux, baptiser leurs prêtres, fournir les victimes toutes sacrées ; ils ne sont que des paraphernalia totémiques de religions non totémiques. Dans le culte de la vigne, par exemple, ce qui est primitif, ce n’est pas, comme le prétend M. Reinach, le sacrifice d’un animal-dieu, c’est la consécration des prémices de la vendange ; puis est venu le sacrifice d’un animal, totem ou non, offert au dieu de la vigne dans l’intérêt de la vigne ; et c’est en dernier lieu que le dieu est descendu dans la victime. Dans toutes ces prétendues suites du totémisme il n’y a qu’amalgame et syncrétisme.

Même en Égypte[2], où l’on serait tenté de chercher dans

  1. M. S. Reinach nous signale bien lui-même l’existence à Rome d’un véritable clan, la gens Fabia, clan de la fève (o. l., t. I, p. 47). Mais le fait que, dans ce cas, le clan totémique ait pu subsister jusqu’aux temps historiques nous donnerait le droit d’être fort exigeants en ce qui concerne les autres exemples allégués. À vrai dire, le clan des Fabii, n’est pas pourvu d’un culte de la fève.
  2. A. Moret, Du Sacrifice en Égypte, Revue de l’Histoire des Religions, 1908, t. LVII, p. 81 sqq. Cf. A. Moret, Le Rituel du Culte divin journa-