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nombre de groupements pareils qu’il sera raisonnable de n’en tenir aucun compte au moment où nous conclurons. Nous ne connaissons que deux tribus où le fait ait été attesté[1], celle de la rivière Tully[2] (Queensland Nord-Ouest), et la tribu des Anula (sud du golfe de Carpentarie[3]). Mais, pour ce qui est de la première, M. Roth ne nous dit pas si c’est le pouvoir lui-même qui est héréditaire, ou si c’est simplement d’une transmission ordinaire des mystères professionnels qu’il s’agit, transmission faite régulièrement de père en fils. Dans ce cas, nous rentrerions presque dans la règle commune : l’enseignement magique se fait d’ordinaire en famille. Dans la seconde tribu, au contraire, nous avons un clan totémique proprement dit[4], et un seul, chargé de fournir des magiciens : c’est un clan des « étoiles filantes[5] », clan spécialement associé avec les esprits malveillants vivant au ciel. Il se produit donc, dans

  1. Il ne faut pas prendre l’expression de « dons naturels » employée par certains auteurs comme désignant un don magique de naissance (cf. plus haut, p. 134, n.) ; elle n’a, quant à nous, aucune valeur précise.
  2. W. Roth, Superstition, Magic and Medicine, in North Queensland Ethnography Bull., no 5, Brisbane, 4903, p. 30, sect. 120. Le texte est d’ailleurs fort peu net : « Les docteurs indigènes ne sont pas spécialement éduqués dans leurs arts, sauf peut-être par leurs parents et en douceur, parce que le pouvoir ici est héréditaire [comme il était d’usage à Brisbane (id est dans la tribu de Brisbane), sect.] » (les italiques sont de nous). La dernière observation, même la première où il a été dit que ce sont probablement les parents (?) qui initient leurs enfants et la réflexion sur la tribu de Brisbane montrent que les idées de M. Roth sont imprécises comme son observation, puisque justement, à Brisbane, il y avait une éducation attachée à une révélation magique (voy. plus bas, p. 168).
  3. Spencer et Gillen, N. T. C. p. 488, 489, cf. p. 502, no 1 ; le magicien Anula n’a d’autres fonctions que le maléfice ; pour les rites curatifs les Anula s’adressent à d’autres tribus. Il y a évidemment une faute de rédaction, p. 489, mettre « not » après les mots « bones and ».
  4. Assez comparable à certain clan (local) de Madagascar. Voir Van Genepp, Tabou et Totémisme à Madagascar, 1904, p. 131 et suiv.
  5. La liaison établie entre les étoiles filantes et la magie maléficiaire se retrouve chez les Arunta. Spencer et Gillen, N. T., p. 566, où les champignons (à cause de leur poison ?) sont réputés âtre des étoiles filantes tombées du ciel et pleines d’Arungquiltha, et chez les Maras, N. T. C., p. 488, voir plus bas, p. 164.