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documents sociologiques parfaitement circonstanciés ont commencé à abonder et ils nous aident à comprendre des documents antérieurs plus sommaires ou recueillis dans des conditions moins bonnes[1]. En effet, dans les dernières années, l’étude des tribus du centre et du nord-ouest de l’Australie a pu être entreprise avec toutes les ressources de l’ethnographie moderne, et ces tribus quoique observées bien après la découverte de l’île sont, en fait, dans un état de décomposition bien moindre que la plupart de celles sur lesquelles nous étaient parvenues des observations, même fort anciennes.

I

LE POUVOIR MAGIQUE

Nous sommes assez mal renseignés sur les formes précises que revêt la notion du pouvoir magique dans la plupart des sociétés australiennes. Tout ce que nous savons, mais nous le savons avec certitude, par des témoins presque unanimes, c’est que toutes attribuent à certains hommes une puissance mystérieuse[2]. La présence de ce

  1. Une première difficulté provenait, dit M. Howitt à propos des Kurnai, de la disparition des anciens magiciens (Austr. Med. Men., dorénavant cité A. M. M., p. 56-57, cf. Fison et Howitt, Kamilaroi and Kurnai, 1885, p. 253 et suiv.) et de la désuétude où sont tombés les usages (A. M. M., p. 48). Une seconde difficulté provenait du caractère ésotérique de ces faits d’initiation magique. Les magiciens entourent tous leurs actes de mystère, et en particulier les circonstances où ils ont acquis leurs privilèges ; on n’en sait, dans la tribu, que les contes traditionnels, aussi éloignés de la vérité que les on-dit des enfants et des femmes en ce qui concerne l’initiation solennelle des jeunes gens par la tribu (A. M. M., p. 47 et 48). Enfin non seulement dans l’esprit public, mais encore dans l’esprit même du magicien, les faits réels et les dires traditionnels se mêlent de façon indissoluble, et l’homme se rend très mal compte de ses actes. De telle sorte qu’il est très difficile de savoir comment les magiciens australiens pensent vraiment avoir acquis leur pouvoir. Howitt, On some Australian Beliefs, J. A. I., XIII, p. 195 ; A. M. M., p. 25 et 26.
  2. Nous ne citerons ici que les tribus sur lesquelles nous n’aurons pas