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l’Œta. Attis[1] et Eshmoun[2] furent animés après leur mort d’une vie divine. La constellation de la Vierge n’est autre qu’Érigone, une déesse agraire qui s’était pendue[3]. Au Mexique, un mythe rapportait que le soleil et la lune avaient été créés par un sacrifice[4] ; la déesse Toci, la mère des dieux, était également présentée comme une femme qu’un sacrifice aurait divinisée[5]. Dans le même pays, lors de la fête du dieu Totec, où l’on tuait et dépouillait des captifs, un prêtre revêtait la peau de l’un d’eux ; il devenait alors l’image du dieu, portait ses ornements et son costume, s’asseyait sur un trône et recevait à la place du dieu les images des premiers fruits[6]. Dans la légende crétoise de Dionysos, le cœur du dieu, qui avait été massacré par les Titans était placé dans un xoanon où il devait être adoré[7]. Philon de Byblos emploie, pour exprimer l’état d’Oceanos, mutilé par son fils Kronos, une expression bien significative : « il fut consacré », ἀφιερώθη[8]. Dans ces légendes subsiste la conscience obscure de la vertu du sacrifice. La trace en persiste également dans les rites. Par exemple, à Jumièges, où le rôle de génie annuel de la végétation était tenu par un homme dont l’office durait un an et commençait à la Saint-Jean, on feignait de jeter le futur Loup vert dans le feu du bûcher ; après cette feinte exécution, son prédécesseur lui remettait ses insignes[9]. La céré-

  1. Arnob., Adv. nat., V, 5 sqq. (Mythe d’Agdistis qui obtient de Zeus que le cadavre d’Attis ne se corrompe pas). — Julien, Or., V, p. 180.
  2. Phil. Byblos, éd. Orelli, 44.
  3. Roscher, Lexikon, art. Ikarios.
  4. Chavero, Mexico, etc., p. 365.
  5. Cod. Ramirez. Relación del origen de los Indios, éd. Vigil, p. 28. — Sahagun, Historia de las cosas de N. España, II, 11 et 30.
  6. Bancroft, Native Races of the Pacific States, I, 319 sqq. ; Cf. Frazer, Gold. B., II, p. 224.
  7. Firmicus Maternus, De errore profanarum religionum, 6. — Rohde, Psyche, II, p. 166. — Frazer, Pausanias, t. V, p. 143.
  8. Phil. Bybl. (éd. Orelli), 34. — Cf., peut-être, Bull. Cor. Hell. 1896, p. 303 sqq. Inscript. de El-Bardj : ἀποθεωθέντος ἐν τῷ λέβητι.
  9. Mannhardt, W. F. K., II, p. 325.