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d’écarter la sainteté des premiers fruits : consécration au temple, sacrifice du bœuf et sacrifices des colombes, personnifications des vertus qui étaient censées y résider.

Le rapprochement que nous venons de faire, entre le cas du nazir et l’expiation individuelle, entre le cas des premiers fruits et celui des autres choses qu’il faut débarrasser d’un caractère religieux plus réellement mauvais, nous amène à faire une remarque importante. C’était déjà chose notable que, d’une manière générale, le sacrifice pût servir à deux fins aussi contraires que d’acquérir un état de sainteté et de supprimer un état de péché. Puisqu’il est fait, dans les deux cas, des mêmes éléments, il faut qu’il n’y ait pas, entre ces deux états, l’opposition tranchée qu’on y aperçoit d’ordinaire. Mais de plus, nous venons de voir que deux états, l’un de pureté parfaite, l’autre d’impureté, pouvaient être l’occasion d’un même procédé sacrificiel, dans lequel les éléments étaient non seulement identiques, mais agencés dans le même ordre et orientés dans le même sens. Il arrive encore qu’un état profane soit traité, sous de certaines conditions, comme un état opposé de consécration religieuse. C’est que nous n’avons dégagé jusqu’ici que des mécanismes élémentaires, des types presque abstraits qui, en réalité, sont le plus souvent solidaires. Il ne serait pas tout à fait exact de se représenter l’expiation comme une élimination pure et simple, où la victime ne jouerait que le rôle d’un intermédiaire passif ou d’un réceptacle. La victime du sacrifice expiatoire est plus sacrée que le sacrifiant. Elle se charge d’une consécration qui n’est pas toujours différente de celle qu’elle prend dans les sacrifices de sacralisation. Aussi bien, nous verrons-nous des rites de sacralisation et des rites expiatoires réunis dans un même sacrifice. La force que contient la victime est de nature complexe ; dans le rituel hébraïque, les résidus de la crémation de la vache rousse, qui sont rassemblés dans un lieu pur, rendent impur par leur contact un homme qui se trouve en état normal, et pourtant ils