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sacré chez le sacrifiant, mais simplement d’augmenter un caractère préexistant.

Mais il n’est pas rare que l’homme qui va sacrifier se trouve déjà marqué d’un caractère sacré, d’où résultent des interdictions rituelles qui peuvent être contraires à ses desseins. La souillure[1] qui se contracte en n’observant pas les lois religieuses ou par le contact des choses impures, est une sorte de consécration[2]. Le pécheur, comme le criminel, est un être sacré[3]. S’il sacrifie, le sacrifice a pour but, ou du moins l’un des buts du sacrifice est alors, de le débarrasser de sa consécration. C’est l’expiation. Mais remarquons un fait important : maladie, mort et péché, sont, au point de vue religieux, identiques ; la plupart des fautes rituelles sont sanctionnées par le malheur ou le mal physique[4]. Et, inversement, ceux-ci sont censés être causés par des fautes consciemment ou inconsciemment commises. La conscience religieuse, même celle de nos contemporains, n’a jamais bien séparé l’infraction aux règles divines et ses conséquences matérielles sur le corps, sur la situation du coupable, sur son avenir dans l’autre monde. Aussi pouvons-nous traiter à la fois des sacrifices curatifs et des sacrifices purement expiatoires. Les uns et les autres ont pour objet de faire passer, grâce à la continuité sacrificielle, sur la victime l’impureté religieuse du sacrifiant et de l’éliminer avec elle.

Aussi la forme la plus élémentaire de l’expiation est-elle

  1. Ps. CVI, 39. « Ils se souillent par leurs œuvres et ils se pervertissent par leurs pratiques ».
  2. Lév. XI, sqq. — Cf. Marquardt, op. cit., VI, p. 277. — Cf. Frazer, Encyclopædia Britannica, art. Taboo. — Cf. Gold. Bough, passim. — Cf. Jevons, Introd. Histor. Relig., p. 107 sqq.
  3. Cf. Rohde, Psyche, I, p. 179, 192 ; S. R. Steinmetz, Studien zur ersten Entwickelung der Strafe, II, p. 350 sqq.
  4. C’est la sanction générale des fautes rituelles au Lévitique, dans le Deutéronome, dans l’Exode, comme dans Ézéchiel et les livres historiques : il faut observer les rites, pour ne point mourir, n’être pas atteint de lèpre aiguë comme le roi Osias. — Cf. Oldenherg, Rel. d. Ved., p. 287, 319. Cf. Bergaigne, Rel. Véd., III, p. 150 sqq.