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créé, ce sont des rites aussi qui, seuls, peuvent remettre en liberté les éléments dont il est composé. Les liens qui unissaient à la victime les prêtres et le sacrifiant n’ont pas été rompus par l’immolation ; tous ceux qui ont pris part au sacrifice y ont acquis un caractère sacré qui les isole du monde profane. Il est nécessaire qu’ils y puissent rentrer. Il leur faut sortir du cercle magique où ils sont encore enfermés. De plus, au cours des cérémonies, des fautes ont pu être commises qu’il faut effacer avant de reprendre la vie commune. Les rites par lesquels s’opère cette sortie du sacrifice font exactement pendant à ceux que nous avons observés lors de l’entrée[1].

Dans le sacrifice animal hindou, comme, d’ailleurs, dans tous les sacrifices du même rituel, cette dernière phase du sacrifice est très nettement marquée. On sacrifie ce qui reste de beurre et de graisse épars sur le gazon[2] ; puis, on détruit dans le feu sacrificiel un certain nombre d’instruments[3], le gazon du sacrifice[4], le bâton du récitant, les planchettes qui entouraient la vedi[5]. On verse les eaux de lus-

    logue à celle du sacrifice animal : ainsi dans le cas du sacrifice de la pleine et nouvelle lune, nous trouvons des parts aux dieux, une iḍâ, etc. — Rappelons enfin que le plus important de tous les sacrifices hindous, le plus extraordinaire peut-être de tous les sacrifices, celui où on a fait subir à une victime tous les traitements possibles, où on en a fait un dieu, le sacrifice du soma, est, comme le sacrifice chrétien, constitué par une oblation végétale.

  1. Rien n’est plus explicable ; car ce sont les mêmes gens et les mêmes choses qui sont en jeu, et, d’un autre côté, en vertu des lois qui règlent les choses religieuses, ce sont les mêmes procédés lustratoires qui confèrent ou enlèvent un caractère sacré.
  2. Âp., VII, 26, 12 ; Kât., 6, 9, 11 ; T. S., 1, 3, 11, 1 et Ç. B., 3, 8, 5, 5 ; pour le mantra dont Kât. fait un meilleur emploi. On a fait une série de petits sacrifices (voir Schwab, Th., no 111) dont les formules expriment la terminaison du rite.
  3. Âp., VII, 27, 4. Kât., VI, 9, 12 (Chose remarquable, Âp. emprunte le mantra à V. S., VI, 21).
  4. Hillebr., N. V. O., p. 145-147 ; Schwab, Th., no 111, p. 156-9. Pendant ce rite se fait toute une curieuse récapitulation des divers moments du sacrifice (T. B., 3, 6, 15 entier) et des bienfaits qu’en attend le sacrifiant ; il goûtera ce dont il a fait goûter les dieux (Cf. Açv. çr. sû., 1, 9, 1).
  5. Hillebr., N. V. O., p. 147-149.