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Vient alors la cérémonie qui a pour objet d’attribuer au dieu la partie essentielle de la victime : c’est la vapâ, en langage technique, le grand épiploon[1]. On l’enlève rapidement avec toutes sortes de précautions et de propitiations. On l’amène processionnellement comme une victime, le sacrifiant tenant toujours le prêtre qui la porte[2]. On la fait cuire auprès du feu sacré et on dispose les choses de manière à ce que la graisse, en fondant, coule goutte à goutte sur le feu. On dit qu’elle tombe « sur la peau du feu[3] », c’est-à-dire d’Agni et, comme Agni est chargé de transmettre aux dieux les offrandes, c’est une première part attribuée aux dieux[4]. — Une fois la vapâ cuite, décou-

    le sang recueilli (Âp. çr. sû. ne donne pas ces détails : voy. Schwab, p. 137) ; on les enfouit tous dans la « fosse aux excréments », en dehors du lieu sacrificiel (Âp. çr. sû., VII, 16, 1 ; cf. Açv., III, 33, 1). L’Ait. Br., 6, 6, 16 donne une autre interprétation à cet enfouissement. — Les textes glissent assez volontiers sur ces parts faites au démon. Il a paru irréligieux (cf. Ait., 6, 7, 2), de convier les ennemis des dieux au sacrifice. — Mais les rites sont nets : en général les débris inutilisables des sacrifices (par exemple les sons des grains concassés pour fabriquer un gâteau) sont ainsi rejetés, expulsés. — On peut comparer à ces faits la pratique grecque du sacrifice à Ἡρα γαμηλία, où l’on rejetait le fiel de la victime (Plut., Conj. præc., 27), et la prescription biblique d’enfouir le sang des oiseaux de purification. — Faisons observer que le rituel des sacrifices de l’Inde prouve que, contrairement aux idées admises, un sacrifice sanglant n’a pas nécessairement pour principe l’usage à faire du sang.

  1. La partie supérieure du péritoine, musculeuse et graisseuse, « la plus juteuse, pour toi, du milieu, parmi les graisses, a été enlevée, nous te la donnons », R. V., III, 21, 5. Elle est la partie centrale de la bête, le principe de sa vie individuelle, son âtman (T. S., 6, 3, 9, 5), comme le « sang est la vie » chez les Sémites. Elle est le principe sacrificiel de la victime (le medhas) T. S., 3, 1, 5, 2 ; Ç. B., 3, 8, 2, 28 ; voir Ait. Br., 7, 3, 6, un mythe rituel curieux.
  2. Âp. çr. sû., VII, 19 sqq. En tête marche un prêtre, ayant un brandon allumé à la main, puis le prêtre qui porte la portion à l’aide de deux broches (car il ne doit pas la toucher directement), puis le sacrifiant qui tient le prêtre comme plus haut (Âp., VII, 19, 6, 7, comm.). Les raisons du rite sont les mêmes que les motifs indiqués plus haut (p. 45 et n. 1. T. S., 6, 3, 9, 3 et 4).
  3. R. V., III, 21, 5. Oldenberg ad loc. Hymns, contra Sâyaṇa ad R. V., et T. B. passages cités à la note suivante.
  4. Tout le rite est fort ancien car un des prêtres récite l’hymne : R. V., II, 75, 1, puis III, 21 tout entier = T. B., III, 6, 7, 1 sqq.M. S., 3, 10, 1. — Cf. T. S., 6, 4, 3, 5. Cf. Ait., 7, 2, 5 sqq.; voir Ludwig,