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l’attribution aux dieux, et de celles qui regardent la communication aux sacrifiants.

Immédiatement après l’étouffement de la victime, on en assure par un rite spécial la pureté sacrificielle. Un prêtre conduit, auprès du corps étendu, la femme du sacrifiant qui a assisté à la cérémonie[1], et, pendant différents lavages, elle « fait boire » à chacun des orifices de la bête les eaux de purification[2]. Cela fait, le dépeçage commence. Dès le premier coup de couteau, le sang coule ; on le laisse s’échapper. C’est la part destinée aux mauvais génies. « Tu es la part des rakṣas[3]. »

  1. La femme du sacrifiant assiste à tous les sacrifices solennels hindous, à une place spéciale, liée légèrement, et est l’objet de certains rites, qui lui communiquent en quelque sorte les effluves du sacrifice et assurent sa fécondité. Kâty. çr. sû., VI, 6, 1 sqq. Âp. çr. sû., III, 18, 1-12 com.
  2. Elle fait boire tous les « souffles » sarvân prâṇân, c’est-à-dire, les yeux, la bouche, les deux narines, les deux oreilles, l’organe sexuel (à ajouter in T. S.), l’anus (Âp., VII, 18, 6) pendant que l’officiant asperge à grande eau tous les membres (T. S., 1, 3, 9, 1. Cf. 6, 3, 9, 1 ; V. S., VI, 14 ; Ç. B., 3, 8, 2, 4-7 : on doit reconstituer nâsike, etc. in T. S.). La cérémonie a plusieurs sens. Les Taittirîyas ont exagéré le côté propitiatoire : la mort est « une douleur », une flamme qui brûle avec les souffles, qu’il faut apaiser. Pour cela on fait boire aux souffles de l’eau, et la douleur et la flamme partent avec l’eau dans la terre (Cf. Ç. B., 3, 8, 2, 8, 16). Aussi les Taitt. ont-ils pour chacun des mantras adressés à chaque office : « Buvez » et non pas « purifiez-vous » (Vâjasanyins) expression qui correspond au nom même du rite. Les Vâjasanyins insistent sur le côté purificatoire du rite ; ils disent « Purifiez-vous » : « la victime est une vie, elle est même l’amṛta (nourriture immortelle, l’immortalité) des dieux. Or on tue la bête quand on l’étouffe et l’apaise. Mais les eaux sont les souffles de vie (contiennent les principes vitaux) ; ainsi, ce faisant (cette lustration), on replace les souffles. La victime redevient vie et nourriture immortelle des immortels ». (Ç. B., loc. cit.).
  3. Âp., VII, 18, 14, mantras : T. S., 1, 3, 9, 2 ; la même école ib., 6, 3, 9, 2, propose un rite plus précis (Cf. Kâty., VI, 6, 11). Mais les textes de l’école du Ṛg Veda (l’adhṛgunigada, Âçv. çr. sû., III, 3, 1 ; Ait. Br., 6, 7, 1, 10) parlent simplement de répandre le sang pour les démons, afin qu’ils s’éloignent. La discussion instituée à ce sujet est intéressante : il est explique que les démons, comme les dieux, assistent aux sacrifices ; qu’il leur faut à eux aussi leurs parts ; parce que sans cela, comme ils y ont droit, si on ne la leur donnait pas pour les écarter (nir-ava-dâ : cf. Oldenberg, Rel. d. Ved., p. 218 et T. S., 6, 3, 9, 2), ils « s’appesantiraient » sur le sacrifiant et sa famille. — Différentes autres parties de la victime sont aussi attribuées aux démons, ce sont les gouttes de sang qui s’échapperont lors de la cuisson du cœur (Kâty., VI, 7, 13) et, de plus, l’estomac, les excréments, les brins de gazon sur lesquels on répand