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LABRADOR ET ANTICOSTI

vèrent les chevaux et toutes les provisions, laissant les autres membres de la caravane sans aucune ressource et exposés à mourir de faim dans ces immenses prairies. Au point du jour, on s’aperçut du vol, et l’on se rendit compte de la terrible situation. Alors M. Comeau se mit seul à la poursuite des deux brigands, les rejoignit, les mit promptement hors de combat, et ramena au camp les chevaux et les provisions.

Un nouvel exploit, accompli en janvier 1886, donna au nom de Comeau un moment de grande célébrité. Il convient d’en faire ici le récit succinct, d’après le rapport qu’en publia peu de jours après le défunt Nouvelliste, qui habitait de son vivant Saint-Roch de Québec.

C’était le 20 janvier. M. N.-A. Comeau était sorti de bonne heure avec son frère Isaïe (des Îlets-Caribou), par une température de – 12° Far., pour chasser dans les anses, quand son attention se fixa sur un canot monté par deux hommes, qu’un violent vent du N.-O. poussait vers le large. « Ces deux hommes vont périr, dit Alexandre à son frère. Allons à leur secours ! » Et tous deux sautent dans un canot, malgré les représentations de leurs parents et de leurs amis qui les avertissent qu’ils courent à une mort certaine. Ils se dirigent vers la haute mer. Deux heures après, on ne voyait plus rien du rivage, ni les hommes ni les canots.

Alexandre reconnut bientôt, même de loin, que les deux hommes en détresse n’étaient autres que ses beaux-frères, les deux frères Labrie, qui étaient allés faire la chasse aux loups marins. Leur embarcation s’était engagée dans les glaces, et le vent les avait poussés au large. Quand les Comeau les eurent rejoints, on constata qu’il n’était plus possible de revenir à la côte. Les canots étaient pris dans les glaces, que le vent entraînait vers le sud ; d’ailleurs ces petits vaisseaux étaient bien trop faibles pour lutter contre la tempête. Il ne restait donc qu’une ressource : prendre terre sur la côte sud. Cela signifiait une traversée de dix-huit lieues ! Et ces quatre hommes, partis de grand matin, n’avaient rien mangé depuis la veille ; ils