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BETSIAMIS

sur la côte du Saint-Laurent, cette route qu’il a jadis tant de fois parcourue ; il a voulu revoir une dernière fois la plus grande partie des sauvages des différents postes. Qui dira les douces joies que cette visite mit au cœur du vieux pasteur et du cher troupeau d’autrefois !

Malgré son grand âge et la débilité qui lui est restée de sa grave maladie d’il y a quelques années, le vieil Oblat est encore fort actif. Durant les jours que nous avons passés à Betsiamis, il était constamment en dehors, allant d’une cabane ou d’une tente à l’autre, portant à tous des encouragements et des conseils, reçu partout comme un messager du Père céleste. Il est d’une bonté de mère pour ses pauvres enfants de la forêt, qui le lui rendent bien en affection et en attachement sincère.

Comme tous les vieillards, le P. Arnaud parle volontiers des choses du passé. Et comme ce passé remonte à l’époque de la première colonisation du Saguenay et du Lac Saint-Jean, et comprend, en son entier, la période de l’établissement de toutes les paroisses et missions de la côte nord du fleuve et du golfe Saint-Laurent, on peut imaginer s’il est intéressant de l’entendre causer de tout cela. Il est sûr que personne n’est, comme lui, renseigné sur l’histoire de cet immense territoire. Qu’il est regrettable que le « démon de l’écriture » laisse tranquilles ces gens qui savent, et s’applique trop souvent à mettre la plume aux doigts de tant d’ignorants ! — Cela soit dit sans vouloir faire la plus légère allusion aux écrivains canadiens, qui tous en savent bien long sur les sujets qu’ils traitent. — Du reste, et il y a longtemps qu’il en est ainsi, il y a ceux qui font l’histoire, et il y a ceux qui l’écrivent. Le P. Arnaud aura été des premiers. Et s’il n’a guère contribué à enrichir les imprimeurs, s’il s’est bien gardé d’encombrer les rayons de nos bibliothèques, on constatera un jour que beaucoup de belles pages, au Livre de vie, sont signées de son nom… C’est le bonheur que je souhaite à tous les auteurs et à moi-même.