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BETSIAMIS

devoirs de son apostolat auprès des sauvages. — On peut s’imaginer s’il le sait, son montagnais, depuis tant d’années qu’il le parle du matin au soir. Et puisqu’il s’y connaît tant que cela, dans cet idiome, il ne m’est pas venu à l’idée de contester contre son avis, quand il m’a informé que les mots « Canada » et « Québec » sont du montagnais authentique. Canada signifierait : « allant, venant vers quelque endroit », et les sauvages du temps auraient donné ce nom à nos respectables ancêtres, lorsqu’ils abordèrent en ce pays, il y a déjà trois siècles et plus. Quant à Québec, cela voudrait dire : « Viens à terre, débarque ici. » Les aborigènes, il faut le croire, auraient adressé cette invitation aux Français qui arrivaient à Stadaconé. Et ces Français de France, qui n’entendaient aucunement le montagnais, ont cru qu’on leur disait là le nom du pays ou de la localité où ils arrivaient. En tout cas, puisque nous devions hériter du territoire que possédaient alors les Montagnais, personne ne trouvera mauvais que ces dénominations très importantes du pays que nous habitons, et de sa capitale, nous viennent aussi de la nation montagnaise. D’autant que, sans ce legs des Montagnais, on ne saurait dire si, au lieu de noms si « canadiens », les Anglais, nos vainqueurs, n’en auraient pas imposé d’autres de l’allure la plus britannique qu’il se pût faire. Mais sans doute ils pensèrent, eux aussi, que les mots Canada et Québec tenaient à la nature même des choses, puisque les Indiens les avaient eux-mêmes, croyait-on, appliqués à ce pays et à ce fameux promontoire.

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Quoique vivant isolés, famille par famille, durant une si grande partie de l’année, les Montagnais ne laissent pas d’avoir une certaine organisation civile autonome. Ce serait être par trop sauvage, que de n’en avoir aucune. Chaque tribu a donc son chef qui exerce le souverain pouvoir sous l’égide du gouvernement canadien et, d’un peu plus loin, de la Couronne d’Angleterre. Le P. Durocher, l’un des Oblats qui s’occupèrent