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LABRADOR ET ANTICOSTI

Eh bien, pour comble d’infortune, nos pauvres aborigènes ne peuvent plus, dans ces années-ci, utiliser le présent du Grand Esprit ! Nos législateurs, dans l’excellente intention d’empêcher la destruction de ce gibier de valeur, ont interdit de lui faire la chasse depuis l’année 1896 jusqu’à 1900. Voilà donc encore une mesure qui, toute sage qu’elle soit, est loin d’être à l’avantage de la peuplade montagnaise, et qui, au contraire, rend sa condition bien misérable.

Pour revenir aux grands voyages de chasse des Montagnais, il n’y a aucune comparaison à établir entre leurs pénibles campagnes et les faciles expéditions de nos sportsmen à la poursuite du caribou. Pour ces derniers, en effet, qu’il se trouve ou non du caribou sur leur chemin, cela importe assez peu. Ce qui importe, c’est de prendre de l’exercice au grand air durant huit jours ; on n’amène pas avec soi sa femme et ses enfants, y compris les bébés de deux mois ! On n’attend pas après le produit de sa chasse pour procurer à tout ce monde ses trois repas par jour ! Les convois de provisions contiennent assez de victuailles de tout genre pour assurer le premier, le deuxième et le troisième service à la table de ces chasseurs d’occasion. Nos pauvres sauvages ne sont jamais à pareille fête. Et pour eux la question du caribou est parfois d’un intérêt qui dépasse singulièrement le souci que peuvent avoir les amateurs de ne pas revenir bredouille.

Pour connaître parfaitement les conditions du sport chez les sauvages, il faudrait faire toute l’expédition avec eux, depuis septembre jusqu’au mois de juin suivant. Mais on préfère généralement ne pas tenter l’aventure et se résigner à l’ignorance de beaucoup des détails de la saison de chasse.

Le P. Arnaud, lui, qui commença sa vie de missionnaire par faire le voyage de la baie d’Hudson avec les sauvages, inaugura son séjour sur la Côte Nord en suivant dans les bois une famille de Montagnais. Mais il avait moins pour but spécial d’occire avec eux castors et caribous que de se familiariser avec la langue montagnaise, afin de pouvoir remplir plus complètement les