Page:Huard - Labrador et Anticosti, 1897.djvu/504

Cette page a été validée par deux contributeurs.
486
LABRADOR ET ANTICOSTI

la poste ! D’abord, il y a les impatiences et les déceptions. Ainsi, à la date du 8 février, je lis ce qui suit dans un journal tenu par une Québecquoise qui résidait au Blanc-Sablon il y a quelques années : « Le directeur de la poste m’a dit qu’on attend le courrier, cette année, avant le 16. Que de fois j’ai examiné l’horizon ! Que de fois mes regards se sont portés sur la Baie par où le courrier doit venir ! Enfin, j’ai vu quelque chose dans le lointain, et j’ai entendu que l’on criait : « Il y a un cométique sur la Baie ! » Alors mon cœur s’est mis à battre comme pour sauter hors de ma poitrine. » Mais ce n’était pas le cométique de la poste ! — Le 10 février, on lit dans le même journal : « Enfin ! Le courrier est arrivé. Mais il me faut encore attendre cinq heures avant que l’on m’envoie mes lettres du bureau de poste… C’est moi qui la première ai distingué le cométique sur la Baie, et à cette vue, mon cœur a battu plus violemment que jamais !… Je brûle d’impatience !… »

Voilà ce que c’est que de ne recevoir la poste que toutes les six ou sept semaines ! Et l’on peut croire que les nouvelles que l’on reçoit si rarement sont déjà d’un bel âge quand elles arrivent.

Le ministère des Postes du Canada ne pourrait-il pas, sans prêter le flanc à la critique, accorder à ces braves gens au moins un courrier par mois ? Assurément, ce n’est pas une telle mesure qui ferait perdre à un parti politique l’honneur enviable de siéger à la droite du président de la Chambre !

* * *

Les professions libérales ne souffrent pas, dans le bas Labrador, de l’encombrement dont on se plaint qu’elles sont atteintes en d’autres régions. Il n’y a pas un seul médecin dans tout le pays situé entre la Pointe-aux-Esquimaux et le Blanc-Sablon ; aussi, l’on y vit comme on peut, et l’on meurt de même, en dehors de toute intervention de la Faculté. Il n’y a pas davantage d’avocat, ni de notaire. Tout cela rappelle vraiment l’époque des patriarches.