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GENS ET CHOSES DU LABRADOR ORIENTAL

poste au-dessous de Natashquan jusqu’à ce qu’il atteigne enfin le détroit de Belle-Isle.

En attendant, l’on a recours, au moins une fois par année, à un moyen fort original pour se communiquer des nouvelles. C’est le matin du jour de l’an que l’on emploie ce procédé. Il faut dire que depuis plus d’un mois l’on n’a pas voisiné, soit à cause des rigueurs de la température, soit parce que c’était le temps du passage des loups marins, époque où toute navigation est interdite : car il ne faut pas risquer de mettre l’effroi parmi ces visiteurs dont la venue est fort appréciée sur la côte. Donc, au matin du 1er janvier, on voit s’allumer des feux sur les sommets les plus élevés de la côte. Tout le monde connaît la valeur de ces signaux. Le premier feu que l’on allume signifie que la santé ne laisse rien à désirer. Les autres feux qui lui succèdent donnent des nouvelles de la pêche au loup marin, puisque c’est la grande affaire de cette époque de l’année ; chacun de ces brasiers a la valeur d’un cent ; un petit feu auprès d’un grand, cela indique la demi-centaine. C’est ainsi que l’on annonce à ses amis le nombre de loups marins que l’on a capturés jusqu’alors.

Cet ingénieux moyen de se parler ne doit pas être une raison pour que l’on retarde d’amener au plus tôt le fil télégraphique jusqu’au bout de ce territoire. Car, à part les nouvelles de la pêche aux phoques, il y a dans la vie bien d’autres choses à se dire. D’ailleurs les intérêts de la grande navigation, comme ceux de la pêche de toute l’année, réclament également l’installation de la ligne télégraphique tout le long du Labrador.

Si, encore, on avait là-bas un service postal de quelque valeur ! Mais l’on n’y reçoit que huit courriers par année : quatre par cométique pendant l’hiver, quatre pendant la durée de la navigation par une barge qui part de Natashquan. L’hiver, il n’est pas rare que le cométique postal retarde de deux ou trois semaines, et cela n’est pas étonnant dans un tel pays et après un pareil trajet. Mais ce que l’on ne saurait imaginer au dehors, c’est la joie que l’on éprouve dans ce pays à l’arrivée de