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LABRADOR ET ANTICOSTI

terrestre, les fruits merveilleusement beaux du fameux pommier qu’il y avait là auraient en vain brillé à la vue de notre première aïeule, si l’infernal tentateur n’était venu lui faire entendre de perfides considérations.

Chose encore plus étrange : c’est dans les bois que les enfants apprennent le mieux à lire et à écrire !

D’abord, il faut dire, à la louange des sauvages, que la grande majorité des adultes savent lire et écrire. Voilà donc, enfin, une partie de la population de la Province qui est entrée dans le mouvement, où les progrès modernes ne sont pas un vain mot, où le flambeau de l’instruction resplendit d’un vif éclat. Pour varier un peu leur façon de dire, les détracteurs de notre système scolaire pourraient bien cesser quelque temps de jouer de la population d’Ontario aux oreilles de nos apathiques compatriotes, et leur proposer désormais l’exemple des Montagnais… Ils n’en feront rien pourtant, parce que, si les Montagnais sont si bien instruits, c’est à l’Église catholique qu’ils le doivent, d’où il faudrait conclure que la cause de l’instruction élémentaire serait peut-être plus avancée dans notre pays, si l’on avait davantage laissé l’Église s’en occuper toute seule — comme c’est arrivé pour l’enseignement secondaire. Il ne manque pas de gens qui ont cette conviction, sans même avoir eu besoin, pour l’acquérir, de savoir ce qui se passe chez les Montagnais.

La vie nomade de ces pauvres gens, qui courent la forêt durant presque toute l’année, n’est donc pas un obstacle à l’instruction de leurs enfants. Et l’on imagine bien que chaque famille n’emmène pas dans les bois un précepteur diplômé qui, deux fois par jour, donnerait sa leçon aux deux ou trois marmots, avides de linguistique, qu’on lui aurait confiés. Non ! C’est le père ou la mère qui promènent eux-mêmes leurs enfants dans les sentiers plus ou moins fleuris de l’épellation, de la lecture et de la… calligraphie. L’instruction et l’éducation étant avant tout au nombre des devoirs qui incombent aux parents, voilà encore un idéal que l’on voit réalisé chez les sauvages ! Les blancs, trop absorbés par leurs affaires commerciales, industrielles