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GENS ET CHOSES DU LABRADOR ORIENTAL

Serait-il téméraire d’énoncer le principe que les pays où les communications sont les plus difficiles, sont aussi les pays où l’hospitalité est la plus florissante ? On dirait que l’on s’est habitué à ressentir plus de pitié pour le voyageur, à proportion de ce que les trajets sont plus longs, ou plus coûteux, ou plus pénibles.

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Les communications dans le bas Labrador ! L’on ne s’imagine certes pas qu’il est aussi facile aux Labradoriens qu’aux habitants de l’île de Montréal d’aller se promener un peu loin.

D’abord, il vaut autant dire tout de suite que durant l’hiver on est vraiment prisonnier là-bas. Il n’y a alors d’autre moyen de sortir de ce territoire que de prendre place sur les cométiques de la malle, comme un simple colis postal. Or, de l’automne au printemps, il n’y a que quatre voyages de la malle entre Québec et le Labrador. Supposé même que l’on pût résister aux fatigues d’un pareil trajet de trois cents lieues, le voyage accompli dans ces conditions ne serait pas beaucoup rapide. Ainsi, l’hiver dernier, je n’ai reçu à Chicoutimi, que le 14 février, une lettre que l’on avait « postée » à la Baie-des-Moutons le 26 décembre précédent. On peut donc croire qu’il faudrait des affaires d’une gravité difficile à imaginer pour décider un Labradorien à se mettre en route pour Québec en dehors de la saison de navigation. Car, durant l’été, la situation est un peu meilleure. On peut alors prendre passage à bord des goélettes des « traders », et l’on y voyage d’une façon moins fatigante et plus rapide.

Les traders sont des propriétaires de goélettes qui jouent le rôle de négociants sur la côte. Ils tiennent à bord de leurs vaisseaux des sortes de magasins fournis de marchandises et de provisions de tous genres, qu’ils échangent pour du poisson préparé, de l’huile de foie de morue, de l’huile et des peaux de loup marin ; et même, quand les comptes ne se balancent pas,