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LABRADOR ET ANTICOSTI

Durant l’hiver, le bienfait n’est pas moindre. La glace se forme solide entre les îles et la côte ; et sur cette surface polie la neige ne s’amoncelle guère, chassée qu’elle est par la violence des vents. Voilà donc tout ouverte une voie superbe où les teams de chiens pourront se déployer sans obstacle et dévorer l’espace tout à leur aise. C’est sur un chemin si libre, si plan et si glissant que l’on fait en cométique jusqu’à trente-cinq lieues par jour !

Il faut savoir, en outre, que c’est à travers ces îles que la pêche est la plus productive. Évidemment, le peuple des morues et celui des harengs trouvent, dans ces milliers de détroits à eau profonde, des retraites précieuses où ils sont également à l’abri des agitations de la vie, je voulais dire : de la mer, et de la poursuite des monstres marins qui ne respectent guère leur droit à l’existence. Il faut ajouter, par exemple, qu’ils ne font que tomber de Charybde en Scylla, et que les monstres humains sont là qui les guettent et les arrachent à pleins filets aux charmes de la vie sous-marine.

Il n’y a pas jusqu’aux oiseaux de mer dont le témoignage ne puisse être invoqué sur cette question des îles du Labrador. Ces îles sont leurs pied-à-terre, où ils viennent se reposer de leurs courses aériennes, où ils passent la nuit, où ils couvent en toute tranquillité. Que ces îles ne soient que des rochers dépourvus d’arbres, cela ne les contrarie guère, puisque, comme la plupart des grosses espèces de volatiles, ils font toujours leur nid à la surface du sol. — Et quelle ressource précieuse pour les Labradoriens, que ces troupes innombrables des oiseaux de mer ! La chair de quelques espèces au moins est utilisée pour l’alimentation ; mais ce sont les œufs qui principalement sont employés pour cet objet. Puis, la récolte de la plume peut être une autre source d’utilité et même de profits. C’est ce que des pillards venant de Terre-Neuve, des provinces maritimes et jusque des États-Unis, savent depuis longtemps.

Les considérations qui précèdent suffisent sans doute, au jugement du lecteur, pour démontrer notre « thèse ». On sait