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LABRADOR ET ANTICOSTI

Et puis de quelle utilité serait cette ligne télégraphique pour la grande navigation ! Sans compter que l’on fait naufrage de temps à autre dans ces parages, et que, si l’on pouvait demander du secours par le télégraphe lorsque le navire a fait côte quelque part, cela diminuerait bien les petits désagréments qui sont inévitables dans ces sortes d’aventures. Mais ce fil du télégraphe, on en attend encore des services non moins importants pour la grande pêche, pour la chasse au loup marin. Trois mots de télégramme, et voilà que l’on sait partout dans quelle direction s’avancent, comme une armée puissante, les épais bataillons de harengs ou de morues, que l’on surprendra ensuite tant que l’on voudra ; voilà que l’on connaît au fond de quelle baie et sur quels champs de glace les phoques sont venus en grand nombre pour y dormir à leur aise.

Ce sont là de bonnes raisons pour désirer le prolongement d’une ligne télégraphique. Et je projetais vraiment de faire là-dessus beau tapage. Heureusement il n’y a plus à plaider, et dans l’intervalle le procès s’est terminé à la satisfaction des demandeurs.

En effet, dans la session du printemps 1896, le gouvernement Tupper avait inscrit à son budget certaine somme pour la continuation du télégraphe de la Côte Nord. Mais, comme l’on sait, on n’eut pas le temps, avant la fin des pouvoirs du Parlement, de procéder au vote des subsides de Sa Majesté, et nos Labradoriens ont dû continuer à se passer de ligne télégraphique. Mais, l’été suivant, le gouvernement Laurier adopta là-dessus la politique de ses devanciers, et obtint du Parlement nouveau le montant d’argent qu’il fallait pour établir le télégraphe depuis la Pointe-aux-Esquimaux jusqu’à Natashquan, une distance de 75 à 80 milles. Cela signifie que le gouvernement est décidé à terminer le télégraphe du Labrador et que, dans peu d’années, le courant électrique pourra porter jusqu’au détroit de Belle-Isle les interrogations des armateurs québecquois et des reporters de New-York.

Que demanderons-nous encore au gouvernement d’Ottawa ?