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LES HABITANTS DE LA CÔTE-NORD

L’administration de la justice y exige peu de frais. Comme il n’y a, en cette région, ni avocats, ni notaires, ni médecins, on se trouve forcément à l’abri de beaucoup de dépenses qu’ils occasionnent ailleurs. Je ne dis point, sans doute, que l’absence de ces officiers du droit et de la santé n’a pas beaucoup d’inconvénients.

On ne fait jamais de voyage de pur agrément en dehors de la région. Et lorsque l’on veut aller se promener à quelque poste de la Côte, on le fait sans aucune dépense. L’été, on a sa barque de pêche, et ces petits vaisseaux sont ordinairement de fins voiliers. Durant l’hiver, la raquette est un véhicule qui porte bien son homme où il veut aller. Le cométique attelé de chiens vaut encore mieux. D’abord, pour cette voiture, qu’il y ait ou non des chemins tracés à travers la neige et la glace, cela n’est pas de grande importance. Ensuite, cet équipage est de rapide allure : ce n’est pas sans doute le train express, mais c’est mieux que les vulgaires attelages de chevaux que l’on emploie ailleurs. Et tout cela rappelle si bien les premiers temps de la colonie, où il n’y avait pas encore de chemins entre les établissements : les modes de locomotion auxquels il fallait alors recourir ressemblaient beaucoup à ceux des Labradoriens d’aujourd’hui.

La conclusion que l’on doit tirer de tout ce qui précède, c’est que, avec un gain même très modique, la population de la Côte Nord peut vivre avec assez d’aisance, parce qu’elle a peu de dépenses à faire. Grâce à son esprit ingénieux, elle supplée facilement à tous les services que, dans nos villes comme dans nos campagnes, on demande à prix d’argent à tous les corps de métiers. L’absence des habitudes de luxe, la simplicité de la vie que l’on mène, achèvent d’expliquer la condition relativement aisée de son existence.

Chaque automne, on lit sur les journaux des messages télégraphiques qui annoncent que la pêche a totalement manqué en tel endroit du Labrador, et l’on s’écrie : « Quel pays que ce Labrador ! Pourquoi ces gens-là s’obstinent-ils de la sorte à