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LABRADOR ET ANTICOSTI

sous la direction du maître chantre, par exemple, on chante l’ordinaire de la messe, le Kyrie, le Gloria, etc., on chante des cantiques, on récite le chapelet. L’après-midi, on vient encore au temple saint ; on chante les psaumes de vêpres ; on offre encore à la sainte Vierge cette belle couronne d’Ave Maria

N’est-il pas touchant, ce spectacle du petit peuple d’un hameau perdu au fond de quelque baie du Labrador, qui comprend si bien que le jour du Seigneur n’est pas un jour comme les autres ! Toute la semaine, on se livre vaillamment à ce rude métier du pêcheur : il faut gagner sa vie et celle des siens. Mais le dimanche est à Dieu ; et on le lui donne.

Et même, sur ce chapitre, on n’entend pas badinage. On va jusqu’aux extrêmes. On exagère le précepte.

Depuis quelques années, la fête de la Saint-Pierre, le 29 juin, n’est plus d’obligation. Il est maintenant permis de travailler ce jour-là. Nos pêcheurs le croient bien, au point de vue spéculatif ; mais dans la pratique, ils ne s’y peuvent résoudre. Quand l’on est parvenu à les faire pêcher le jour de la Saint-Pierre, ç’a été à condition que le gain de cette journée de pêche serait pour la chapelle.

Voilà comment, sur la Côte Nord, on a le respect des jours consacrés à Dieu.

Ce peuple est donc très religieux. Il est par conséquent très moral. Il est très honnête, et l’usage des serrures et des verrous, sur la Côte Nord, est moins nécessaire qu’en bien d’autres pays. Son hospitalité n’est pas moins remarquable : le voyageur est reçu partout comme un don du Ciel.

Tout cela ressemble bien aux vertus nationales des Canadiens-Français en général. Seulement, chez nous, il ne paraît pas qu’elles brillent encore de tout l’éclat qu’elles avaient chez nos pères. Cette impression est peut-être due à la tendance qu’il y a à regarder souvent le passé comme préférable au présent… Mais non ! cela est bien vrai : nous ne sommes plus aussi dociles envers l’Église, ni d’une probité si scrupuleuse, ni d’une