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BETSIAMIS

façon. « Arnaud ! Arnaud ! » Cette fois, le missionnaire ne répond rien. Il se lève pourtant et va le plus doucement possible regarder par la fenêtre, qui donnait sur le cimetière attenant à la chapelle. Soudain, on appelle encore : « Arnaud ! Arnaud ! » Le Père aperçoit alors, sur l’un des bras de la croix du cimetière, un hibou de grande taille, dont le cri imitait parfaitement le nom du P. Arnaud… Le Père avait été bien avisé de ne pas trépasser d’effroi.

Donc, vers 1862 (ce vilain tour du lugubre oiseau des nuits n’y fut sans doute pour rien), les Oblats quittèrent les Escoumins et fixèrent définitivement leur résidence à Betsiamis, dont l’histoire se confond désormais avec celle des PP. Arnaud et Babel.

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Dans le commencement, c’est-à-dire en 1850 ou à peu près, il n’y avait presque pas de blancs sur la Côte Nord. Il n’en venait même pas l’été, dans le temps de la pêche, comme aujourd’hui, où les gens de Terre-Neuve, de la Gaspésie et de la côte sud du fleuve vont en grand nombre, chaque année, y chercher fortune à la surface ou dans les profondeurs de la mer. Mais autrefois, c’est-à-dire au temps du monopole de la Compagnie de la baie d’Hudson, on n’était pas admis à faire ce qu’on voulait ni sur la Côte Nord, ni au Saguenay, ni au Nord-Ouest.

En tout cas, à cette époque, les Oblats avaient charge du ministère religieux de toute la côte, depuis Tadoussac jusqu’au détroit de Belle-Isle. Du côté du nord-est, les sauvages constituaient alors presque exclusivement le peuple soumis à leur juridiction.

Chaque printemps, dès l’ouverture de la navigation, les Pères montaient à Québec pour s’y embarquer sur quelque goélette en destination du Labrador, qui les déposait à l’extrémité de leur territoire de mission.