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BETSIAMIS

frais d’une école : aussi donna-t-il au Père l’assurance que le gouvernement contribuerait d’une somme de cinquante piastres à l’ouverture d’une école à Tadoussac. — Sans doute, on va croire que les gens de Tadoussac n’eurent rien de plus pressé que de profiter des bonnes dispositions du gouvernement à leur égard. Sans doute, dans quelques semaines, deux ou trois douzaines de marmots et de marmottes se verront, bien malgré eux, livrés au rude apprentissage de la vie, et forcés de se bien pénétrer des grands principes du b-a-ba. Ah bien oui ! Si l’on croit que c’est ainsi que l’on mène des Canayens ! « Nous n’avons pas besoin d’école à Tadoussac ! Pour commencer, le gouvernement nous donne de l’argent ; mais plus tard, on nous taxera pour cela, on fera vendre nos terres… — À quoi bon une école ? ajoutait l’un des grands personnages de l’endroit. Mon père ne savait pas lire : je ne sais pas lire non plus ; et cela ne nous a pas empêchés de réussir. Il y a un de mes fils que j’ai fait instruire. Eh bien, c’est le plus bête de la famille. »

Le P. Arnaud, au milieu de cette crise antiscolaire, ne se découragea pourtant pas. Il réussit à faire élire des commissaires d’école. Mais ce fut là tout le succès qu’il obtint. La force d’inertie que déployaient les braves Tadoussaciens n’était pas entamée.

Trois ans après, le P. Arnaud rencontra de nouveau le surintendant de l’Instruction publique, qui lui fit remarquer qu’il y avait maintenant cent cinquante piastres d’accumulées en faveur de l’école de Tadoussac. Le missionnaire s’empressa de faire savoir aux gens de Tadoussac une aussi bonne nouvelle, bien persuadé que la résistance allait céder enfin devant la fascination de l’or… Quelque temps après, une lettre circulait dans les ministères de Québec et déridait pour un moment les figures habituellement glaciales, rigides et austères (les mœurs se sont bien un peu adoucies depuis quarante ans !) des fonctionnaires du gouvernement. « Mon gouverneur, écrivait l’intelligent Tadoussacien que j’ai déjà mis en scène, mon gouverneur, il paraît qu’il y a cent cinquante piastres de votées en faveur de Tadoussac.