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POINTE-AUX-ESQUIMAUX

Le jeune lecteur peut maintenant laisser courir son imagination la bride sur le cou. Le voilà à bord d’une goélette de pêche, en route pour la côte de Terre-Neuve. Que la mer est belle, dans ces douces soirées du mois d’août… Le voilà sur l’embarcation qui va seiner. On rencontre un extraordinaire banc de harengs ; on le prend en entier… dix mille barils ! Cela ne s’est jamais vu ailleurs qu’en rêve ; mais qu’importe ! Et ce n’est pas du petit hareng !… On charge la goélette, et il y paraît à peine dans la seine. Je vous assure qu’on en passa, cette fois, des jours et des nuits à saler du hareng ! Il en fallut des bas de laine, pour mettre tout l’argent qui se gagna cet automne-là. — Oh ! les plaisirs de la mer ! Je le crois bien, qu’on sera pêcheur toute sa vie, quand on y a goûté !…

* * *

Or tout cela, c’était dans le bon vieux temps, qui toutefois n’est pas encore bien éloigné.

Mais comme le hareng ne donnait presque plus, depuis plusieurs années, et que, partant, les profits étaient minimes ou nuls, les propriétaires de goélettes ont à peu près cessé de faire ces voyages pénibles.

Pour montrer combien la « flotte » de la Pointe-aux-Esquimaux a pu mettre d’argent « dans la place », comme on dit, je tiens à mentionner ici que, en 1870, le produit total des trois voyages, au loup marin, à la morue et au hareng, s’est élevé à $72, 000. On comprend bien que, à cette époque, on n’avait pas besoin de s’adresser au gouvernement pour avoir du secours, au commencement de l’hiver ! Mais il est juste d’ajouter que cette année 1870[1] fut exceptionnelle et que jamais, ni avant, ni après, la pêche n’a été aussi productive.

  1. L’année 1870 est également mémorable au Saguenay et au lac Saint-Jean, par la récolte extraordinairement abondante qui suivit le grand incendie du 19 mai.