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LABRADOR ET ANTICOSTI

qualification de voleurs ! Il est vrai que les deux ouvrages canadiens, fort remarquables d’ailleurs, qui vont porter à la postérité l’histoire du « vol de Tadoussac », font tomber l’accusation sur les « Oblats » en général. Mais puisque ce furent les deux missionnaires dont je parle qui commirent le prétendu crime, il faut en décharger l’ordre des Oblats, et, s’il y a lieu, l’attribuer aux seuls coupables.

Je n’espère pas que la postérité connaîtra le présent ouvrage. Du moins il m’est permis de compter un peu mettre les contemporains en mesure de savoir à quoi s’en tenir sur ce point d’histoire. Voici donc, en abrégé, ce qui a pu donner lieu à cette légende du « vol de Tadoussac ».

Il y avait autrefois à l’Anse-à-l’Eau, c’est-à-dire à l’endroit de Tadoussac où abordent aujourd’hui les bateaux à vapeur qui voyagent entre Québec et Chicoutimi, une scierie à vapeur qu’y avait établie la maison Price. M. Pentland, l’agent de cette maison, étant marié à une catholique — la cousine du cardinal Taschereau — fit construire pour elle une petite chapelle dans cette localité. Quant à la vieille chapelle de Tadoussac, bâtie par les Jésuites, elle était alors abandonnée et dans un état complet de délabrement. Cependant, la scierie de l’Anse-à-l’Eau ne fut en opération que durant cinq ou six ans. Naturellement, dès la fin de cet établissement industriel, le groupe de population qui s’était fixé dans les alentours ne fut pas lent à se diriger ailleurs, et l’endroit redevint désert ou à peu près. La petite chapelle construite par M. Pentland fut abandonnée comme le reste, et le P. Arnaud fit transporter la cloche dont elle était pourvue à la chapelle principale de Tadoussac, et la mit, près de la porte, dans l’antique édifice qui possédait déjà sa « voix d’airain » dans son modeste clocher. À quelque temps de là, vers 1856 ou 1857, le P. Arnaud bâtissait une chapelle sur la côte du Labrador, en bas de Musquarro. Il jugea que l’ancienne cloche de l’Anse-à-l’Eau, qui ne servait à rien dans Tadoussac, ferait très bien l’affaire des fidèles de la mission où se construisait la nouvelle chapelle. L’archevêque de Québec permit au P.