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POINTE-AUX-ESQUIMAUX

convenu, se dressent subitement, et commencent le carnage de ces pauvres animaux qui, surpris et effrayés, ne savent plus que faire au premier moment. Un coup de bâton sur le museau suffit pour les assommer, ou du moins pour les étourdir ; car il faut avant tout les empêcher de se jeter à la mer, ce qu’un certain nombre réussit toujours à faire. On revient ensuite, et l’on aide à mourir ceux que le premier coup n’a pas tués tout à fait. En procédant de la façon que l’on vient d’exposer, une troupe de huit hommes peut abattre cinq à six cents phoques en une couple d’heures.

Il arrive que les glaces où se trouve le loup marin sont petites et tassées, mais laissent entre elles trop de vides, par où l’animal s’esquiverait facilement en dérobant, au chasseur la peau et l’huile sur lesquelles il compte. Alors on fait la chasse au fusil. Il s’agit toujours, assurément, d’approcher du loup marin le plus près que l’on peut sans en être aperçu. Aussi les chasseurs avancent sans bruit, se cachant derrière les blocs de glace quand ils en rencontrent, et tirent à une portée de quinze à trente pas, et quelquefois de plus loin encore, quand le loup marin est plus farouche. Certains jours même, l’animal est si peu de bon compte qu’on ne peut s’en approcher assez pour le tirer avant qu’il ait le temps de se jeter à la mer. Dans tout cela, il n’est question que des loups marins adultes, des loups marins dont le siège est fait, et qui savent à quoi s’en tenir sur les desseins du roi de la création. Quant aux jeunes, ils y vont d’abord avec une entière candeur ; ignorants encore du struggle for life, ils ne voient que des amis dans tous les êtres de la nature. On s’approche donc le plus aisément, et sans recourir à aucun artifice, de ces confiants petits animaux, et on les…. assomme sans plus de façon. Cette inconscience du danger ne dure d’ailleurs pas longtemps ; dès la fin d’avril, les jeunes phoques ont cessé d’être aussi naïfs. Déjà au fait des périls de l’existence, ils sont devenus aussi farouches, et même plus, que les vieux.

Quelquefois, les glaces sont de très petite étendue et séparées