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LABRADOR ET ANTICOSTI

temps, il n’y avait pas de service postal. Et comme le télégraphe n’était pas encore construit jusque-là, on y était aussi isolé du reste de l’univers qu’on peut l’être par exemple au Groenland. Le Canada aurait pu changer d’allégeance, durant l’hiver, et le drapeau étoilé remplacer le drapeau britannique sur la citadelle de Québec, pendant que, à la Pointe-aux-Esquimaux, dans chaque foyer l’on aurait continué à dire, chaque jour, dans la prière du soir : « Gardez et sauvez notre Reine et toute la famille royale », et à chanter loyalement, dans les grandes circonstances, le God save the Queen. Voilà ce qui peut arriver, quand on est privé des communications de la poste et du télégraphe !

Mais, à présent, les citoyens de la Pointe-aux-Esquimaux n’ont plus à redouter de commettre l’erreur de faire des vœux pour le bonheur d’un souverain étranger et peut-être ennemi. Ils ne sont plus, durant l’hiver, privés de communications avec le reste du pays. D’abord, ils ont l’avantage d’une ligne télégraphique qui les relie à Québec. Ce fut le 10 octobre 1889 que cette communication avec la capitale de la Province fut enfin établie, et que la première dépêche entre Québec et la Pointe-aux-Esquimaux, fut confiée au fil électrique.

Pour ce qui est du service postal, il y a maintenant durant l’hiver, c’est-à-dire de novembre à avril, six courriers qui partent de Québec pour la Pointe-aux-Esquimaux. Ce n’est sans doute pas encore l’idéal, et beaucoup de gens se trouveraient bien malheureux s’ils se voyaient réduits à ne recevoir leur correspondance qu’une fois le mois. Mais comme il faut toujours tenir compte ici-bas des circonstances, la position des habitants du bas Saint-Laurent, au point de vue de la poste, n’est pas après tout si lamentable. Elle paraît même très enviable, si on la compare avec celle des citoyens de l’Anticosti !

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Depuis ces dernières années, non seulement la population de