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LABRADOR ET ANTICOSTI

pitoyable exactitude de l’histoire ! — que, quelques années avant notre passage en ce lieu, le Conseil municipal (dont la première organisation date de février 1875) avait cessé d’exister… faute de conseillers. Et s’il n’y avait plus de conseillers, c’est qu’il n’y avait presque pas de citoyens du village qui fussent « qualifiés », c’est-à-dire dont la propriété foncière fût de la valeur requise de quatre cents piastres. Voilà donc une administration, une sorte de gouvernement qui s’est d’elle-même éteinte, parce qu’il n’y a personne pour exercer l’autorité civile. Le fait est peut-être unique dans l’histoire ! Du reste, personne ne s’en portait plus mal, à la Pointe-aux-Esquimaux, et la vie sociale ne paraissait pas avoir souffert, dans son fonctionnement, de cette absence d’autorité municipale. Il faut avouer, aussi, que le corps civique dont il s’agit manquait joliment de sujets propres à alimenter son activité. Impossible d’imposer des taxes sur l’eau, puisqu’il n’y a pas d’aqueduc, ni d’accorder des « licences » aux cochers ou aux charretiers, puisqu’il n’y a pas même un seul cheval dans la localité. À vrai dire, lorsque, chaque printemps, le Conseil municipal avait ordonné aux gens, par décret, de tenir les chiens attachés, pour permettre aux bestiaux de jouir en sûreté des plaisirs du grand air pendant l’été, l’ordre du jour — ou plutôt de l’année — était à peu près épuisé. — Heureux Conseil ! Population fortunée ! qui ne connaissez que par les journaux ce que l’on entend par « boodlage » et pots-de-vin !

Donc, le Conseil municipal n’existant tout au plus qu’à l’état latent, il n’y avait d’autre autorité dans la paroisse que celle du curé, comme autrefois dans les Réductions du Paraguay. Les enfants toutefois estimaient que leur liberté n’était pas si complète, puisque, ici comme ailleurs, ils restaient justiciables de l’autorité paternelle, et, à l’école, du pouvoir « magistral ».

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Cela nous ramène précisément à la question scolaire, qui