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ÎLE D’ANTICOSTI

toujours sans succès. Au bout d’un certain nombre de mois, les pauvres bêtes deviennent malades et dépérissent. À quoi cela tient-il ? Le fait est d’autant plus étrange qu’au poste voisin, l’Anse-aux-Fraises, c’est-à-dire à six milles seulement, bœufs et vaches jouissent de la meilleure santé du monde et parviendraient sans doute à un âge avancé, si leurs propriétaires ne tranchaient auparavant le fil de leurs jours. En tout cas, pour ce qui concerne la Baie-des-Anglais, voilà un étrange problème, dont il serait intéressant de connaître la cause. À tout le moins, je serais curieux de savoir si le système de la stabulation permanente, recommandé partout par les docteurs de la science de l’élevage, ne donnerait pas ici des meilleurs résultats. On ne me reprochera pas, j’espère, de n’avoir rien fait moi-même pour en avoir le cœur net : je n’ai passé que quelques heures à la Baie-des-Anglais, où d’ailleurs la… matière première me faisait absolument défaut. Toujours est-il que voilà un endroit de la Province de Québec où l’industrie laitière est non seulement impraticable, comme sur la Côte Nord, mais absolument impossible ; et les conférenciers agricoles qui voudraient tenter de faire entrer la Baie-des-Anglais dans le grand mouvement où nos campagnes ont trouvé toutes sortes d’avantages, y perdraient absolument leur latin[1].

Comme ceux de la Côte Nord, les habitants d’ici se livrent presque exclusivement à la pêche de la morue, qui se fait du commencement de juin jusque vers le mois de novembre. Chacun travaille pour son compte. Il y a une quinzaine de barges employées ainsi à la pêche. Quand la morue est séchée, on la vend librement à celui qui en offre le plus haut prix, par exemple à M. Edw.-J. Robinson, le représentant des liquidateurs de la Compagnie propriétaire de l’île, ou à M. de Courval,

  1. Depuis mon voyage à l’Anticosti, j’ai entendu dire que l’on avait trouvé la cause de « l’inhabitabilité » de la Baie-des-Anglais pour les animaux de race bovine : cela tiendrait, paraît-il, à certaine plante qui y croît, nuisible pour ces bêtes. Si le renseignement est exact, il ne sera pas difficile de couper le mal dans sa racine. On verra plus loin que M. Gregory (En racontant, p. 108) indiquait, en 1886, cette même cause pour expliquer le phénomène dont il s’agit.