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LABRADOR ET ANTICOSTI

Voici donc les barques de pêche qui rentrent, le soir, de la pêche. Elles s’en viennent accoster une jetée (qu’il ne faut pas confondre avec les jetées construites par le gouvernement, et qui n’a absolument rien d’électoral, par conséquent) formée d’un plancher de petits troncs d’arbres supporté par une forêt de semblables rondins enfoncés dans le sable. Dans sa partie antérieure, la surface de la jetée est divisée en carrés de quelques pieds d’étendue : chacun de ces compartiments recevra le poisson d’une barge. Et ce poisson, on le transborde non pas délicatement — entre le pouce et l’index — mais à l’aide d’une sorte de gaffe terminée par une pointe de fer, à l’aide de laquelle on embroche à la fois autant de morues que l’on peut. — Quand les marmots de la ville accompagnent leur maman ou leur bonne au marché et qu’ils contemplent les étalages des marchands de poisson, ils s’imaginent que la morue est un poisson très plat, très large, en forme de triangle isocèle, et qui a la chair et l’arête d’un côté et la peau de l’autre. Eh bien, cette croyance est absolument erronée. La morue, je l’ai constaté de la façon la plus certaine, est un poisson du même modèle que la généralité des poissons. Je prie donc que l’on rectifie en conséquence les idées des petits enfants.

Il s’agit maintenant de trancher la morue. Sur la jetée, en arrière des compartiments dont j’ai parlé, il y a une baraque, dans la construction de laquelle on a évité toute ornementation trop luxueuse. Cet édifice n’a pour tout meuble qu’une sorte de table assez longue. Sur cette table, on fait arriver les morues une par une ; chaque poisson passe successivement sous le couteau de trois bourreaux, qui lui tranchent la tête, lui ouvrent le ventre, en retirent les intestins et enlèvent une partie de l’arête. Tout cela se fait en un clin d’œil, tant ces hommes ont acquis d’adresse, par l’habitude. On habille ainsi séparément toute la morue apportée par une barge ; puis on la pèse et l’on en marque la quantité au crédit du pêcheur.

Cette morue est soumise ensuite à une série de lavages, de