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LABRADOR ET ANTICOSTI

vait empêcher les gens de prendre le poisson dans le fleuve ; mais elle s’opposait autant que possible, m’a-t-on dit, à ce qu’ils descendissent à terre pour y travailler la morue. Ce fut pour remédier à cet état de choses que, en 1851 ou 1852, l’honorable M. P. Christie, député de Gaspé, fit adopter par le Parlement une loi qui permettait à tout sujet britannique d’ériger à terre toutes les constructions nécessaires à l’industrie de la pêche. — La célèbre Compagnie avait alors des agents aux postes des Sept-Isles, de Moisie et de Mingan.

Tout le monde ici vit de la pêche à la morue. La plupart pêchent à la draft. Quelques-uns travaillent à leur compte, et vendent ensuite leur poisson soit à M. Touzel, soit aux Robin, Collas & Co. Rarement, ils l’envoient sur le marché de Québec, parce qu’ils le vendent chez eux à d’aussi bonnes conditions.

On s’est plaint quelquefois de l’espèce de monopole, plus apparent que réel, exercé sur la Côte par les compagnies jersaises. Il semble pourtant que ces associations, grâce à leurs capitaux, ont eu la plus heureuse influence sur le développement de ce territoire. Un fait qui parle en leur faveur, et qui démontre aussi qu’elles ne traitent pas si mal les pêcheurs, c’est que les gouvernements n’ont jamais eu à venir au secours des populations au milieu desquelles elles sont établies. Dans les mauvaises années, les « bourgeois » aident leurs gens, si dans les bonnes saisons ils utilisent leurs services, comme il est naturel, pour accroître leurs profits. Je voudrais bien savoir si les propriétaires d’une manufacture ou d’une exploitation quelconque consentiraient à ne retirer aucun bénéfice de leur mise de fonds et du travail qu’ils s’imposent pour diriger leurs affaires. D’autre part, les ouvriers n’ont-ils pas besoin qu’on les emploie ? Bref, le capital a besoin du travail, comme celui-ci a besoin du capital : quand les deux parties comprennent bien la dépendance sous laquelle l’une est de l’autre, la « question sociale » est toute résolue, ou plutôt ce qu’on appelle aujourd’hui de ce nom n’existe pas.

Autrefois, c’étaient presque uniquement les gens de Saint--