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LABRADOR ET ANTICOSTI

donc simplement « Saint-Victor », à l’imitation de bien d’autres villes qui portent des noms de saints ou de saintes.

Ce sera une incomparable ville d’eau. Il faut voir si l’eau y est salée ! Et puis, il y a cette belle plage de sable, à l’abri des rochers qui s’avancent dans le fleuve et où les mamans grimperont pour voir jouer les petits ! Quand il ventera le moindrement, on aura le spectacle des vagues qui viendront se briser sur le rivage. En outre, il y a tant de récifs, qu’on aura bien parfois le spectacle de quelque petit naufrage, où les jeunes Saint-Victoriens se couvriront de gloire en arrachant aux flots irrités le cuisinier, le capitaine, le chat du bord, voire même quelques passagères évanouies. Des mariages en perspective, quoi ! — Dans ce temps-là, la Malbaie, Cacouna, Tadoussac ne seront plus que des villes d’eau…douce.

Saint-Victor sera une place forte défendue par la nature. Cette chaîne de rochers à fleur d’eau, voilà des remparts peu faciles à franchir pour les cuirassés et les avisos de l’ennemi.

Je ne dis rien de son avenir commercial, tant je crains que la soif de spéculation dont brûlent nos contemporains ne vienne y créer un boom dont les conséquences pourraient être fâcheuses. J’avertis aussi les « compagnies des eaux municipales », qui se chargent de fournir à leurs concitoyens le verre d’eau de chaque instant, qu’elles n’auront rien à faire à Saint-Victor : ici, comme en bien d’autres endroits de la Côte, il suffit d’enfoncer dans le sable un tuyau de fer suivi d’une pompe, et l’on a de bonne eau en abondance.

La petite cascade dont j’ai parlé pourra fournir un pouvoir électrique suffisant, soit pour éclairer la ville, soit pour diverses petites manufactures.

Quand il fera bien clair, on apercevra la pointe ouest de l’île d’Anticosti, et ce sera très intéressant pour les étrangers.

Je m’abstiens à dessein de mentionner beaucoup d’autres avantages et agréments dont on jouira dans la ville future.

Lundi, 17 juin. — Ce matin, je m’arrache aux charmes de ma