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LABRADOR ET ANTICOSTI

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La pêche est l’unique occupation des gens de l’endroit. On prend ici très peu de harengs (le peuple des harengs ne sait peut-être pas qu’il y a ici des pêcheurs en nombre suffisant ; on peut aussi supposer, avec encore plus de vraisemblance, que le fond de la mer n’« adonne » pas à ces intéressants poissons). Quant au saumon, on ne le pêche pas non plus, parce qu’on est trop pauvre pour risquer la dépense nécessaire pour faire la tentative de cette pêche. La morue, voilà la « vache à lait » de nos villageois, voilà la cheville ouvrière de leur prospérité présente, voilà la base inébranlable de leur richesse future. Vive la morue ! C’est l’inscription qu’on lirait sur leurs bannières, s’ils avaient des bannières. C’est la légende qui se déploierait sur les pièces frappées à leur Monnaie, s’ils avaient une Monnaie.

La pêche à la morue donne donc bien des bénéfices, puisqu’on n’a pas ici d’autres ressources pour subsister ? D’abord on en mange, avantage personnel que n’ont pas, par exemple, les fabricants de manches à balai. Et puis, on est certain de vendre tout ce que l’on pêchera. On vend les produits de sa pêche à la maison Robin, Collas & Co., ou bien à M. Touzel, de Sheldrake. On se fait payer en marchandises, si l’on veut, ou bien en argent ; ou bien encore, on paie avec la pêche de la saison les avances que l’on a obtenues pour vivre depuis l’année précédente. En tout cas, la moyenne du gain annuel peut s’élever à $500, mais elle peut être aussi bien plus faible. C’est loin d’être la richesse, pour les pêcheurs ; mais enfin l’on vit, tant bien que mal.

Si l’on est trop pauvre pour se pourvoir soi-même d’une barge de pêche, le bourgeois est là qui la louera $10 pour la saison. Si l’on ne peut se procurer une seine pour prendre la bouette, elle est fournie aussi, au même prix de $10 pour l’été, c’est-à-dire jusqu’au 20 d’août, date où finissent tous les enga-