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BAIE-DE-LA-TRINITÉ — ÎLETS-CARIBOU

Plusieurs fois par jour, les pêcheurs vont en canot visiter les filets à saumons, pour en détacher les poissons qui s’y sont pris. C’est d’un intérêt toujours nouveau, grâce à l’incertitude où l’on est toujours, naturellement, du nombre et de la grosseur des pièces que l’on va capturer. Et l’on s’avance tout le long du filet, scrutant avec avidité les profondeurs de l’eau, pour voir si l’on apercevra à travers le flot ces reflets de l’argent qui recouvre à profusion les flancs du saumon. Tantôt le noble poisson est déjà mort, suspendu aux mailles du filet. D’autres fois, il ne fait que de s’y emprisonner ; il a encore toute sa vigueur, et, s’il est d’une taille considérable, ce n’est pas la chose la plus facile du monde que de le décrocher et de l’embarquer dans le canot. Lorsqu’il y a, au fond de l’embarcation, trois ou quatre gros saumons qui se débattent dans une longue agonie, la position n’est pas très gaie pour les autres occupants du canot. Car il y a toujours de l’eau, souvent peu limpide, au fond d’un canot. Alors le bel habit du monsieur qui est venu voir et qui s’est réfugié tout au bout de la barque, court le plus grand péril. Mais, heureusement, les pêcheurs ne sont pas méchants pour leur hôte, et ils ont vite fait d’assommer ces poissons qui mettent trop de temps à mourir.

Quand la mer « adonne », de l’un des îlots qui bordent le havre de Caribou, on peut faire un peu de pêche à la ligne, et l’on a une chance de s’emparer de quelques-unes de ces belles truites du Saint-Laurent, dont la présence, au bout de la fourchette non moins qu’au bout de la ligne, est toujours hautement appréciée. Parfois, ce n’est pas une truite que l’on soulève de l’eau, mais un crapaud de mer, dont le nom scientifique, Hemitripterus americanus, Rich., ne suffit pas à exprimer l’aspect absolument étrange. « Ces poissons, écrivait l’abbé Provancher, nous rappellent toujours ces paysannes sans goût qui s’imaginent se rendre d’autant plus élégantes qu’elles se surchargent de colifichets et de fanfreluches plus ou moins bizarres. Voyez cette tête aplatie, toute chargée de pointes, d’épines, de projections de toute forme, ces mâchoires d’où pendent sous forme de barbil-