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BAIE-DE-LA-TRINITÉ — ÎLETS-CARIBOU

aux Îlets-Caribou, a paru à ces braves gens une belle récompense de leur générosité.

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Pas plus qu’à Godbout, il n’y a ici ni chevaux, ni voitures. En été, les trajets se font par eau, quand la navigation est possible. Les embarcations usitées sont, comme sur toute la côte, la goélette, le yacht, la chaloupe, la barge, le canot. En hiver, on se sert du cométique. Aussi, chaque famille possède trois ou quatre chiens. Cette quantité de représentants de la race canine n’a d’inconvénients que durant la nuit. En effet, lorsque, pendant la nuit, l’un de ces chiens juge qu’il a un motif quelconque d’aboyer, tous les autres chiens du village croient de leur devoir d’en faire autant : et le vacarme est joli à entendre, surtout quand les aboiements se transforment en hurlements, comme c’est souvent le cas.

La possession de ces chiens a toutefois encore un autre désavantage : il faut renoncer à l’élevage des moutons. Car il est presque impossible de détruire, chez les chiens du Labrador, la croyance que ces bêtes, d’humeur douce et de chair si succulente, sont destinées à leur alimentation. On n’a pas réussi non plus à persuader aux moutons qu’ils auraient le droit de se défendre contre ces bandits de chiens. Aussi, on a dû renoncer presque partout à garder des moutons, l’élevage n’en étant profitable qu’aux chiens.

C’est pour la même raison, je suppose, qu’il y a si peu de chats dans ce pays ; je n’en ai vu qu’à de rares endroits. Ce serait donc ici, à ce qu’on pourrait croire, le paradis des rats et des souris. En tout cas, comme les chiens n’entrent pas dans les maisons, ne tentent même jamais de le faire, je crois que les gracieux quadrupèdes dont je parle pourraient, sous la protection du drapeau britannique, couler une existence sans histoire, c’est-à-dire paisible et heureuse, ici comme dans les autres parties du Canada.