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LE MANOIR

Quand le marchand, hors d’haleine, se trouva en présence de Taillefer, il lui ordonna, d’un ton menaçant, de lui rendre son cheval et sa voiture.

— Comment ! c’est toi, infâme païen, lui dit Taillefer, infidèle marchand d’étoffes, qui te vantais de vouloir me dépouiller de ma balle. Prépare-toi sur-le-champ au combat.

— Je n’ai parlé ainsi qu’en plaisantant, répondit Santerre ; je suis un honnête homme, un marchand incapable de tendre une embuscade à quelqu’un.

— Dans ce cas, très honorable fripier, je regrette le vœu que j’ai fait de te prendre ton cheval, la première fois que je le rencontrerais, pour en faire présent à ma sœur. Tout ce que je puis maintenant faire pour toi, c’est de t’assurer que je le laisserai aux Trois-Rivières, à l’auberge Lafrenière.

— Mais, dit Santerre, c’est ici, c’est à l’instant même qu’il me le faut. C’est cette voiture que j’attendais pour me rendre à l’église, où m’attend Dlle Philomène Guillet, qui doit ce matin même changer son nom en celui de dame Baptiste Santerre. C’est mon cheval que j’avais envoyé au fort, chez M. Gélinas, par l’imbécile qui vous l’a laissé prendre, afin d’en ramener cette calèche, meilleure que la mienne et, par conséquent, plus convenable pour cette circonstance solennelle.

— J’en suis fâché, répondit Taillefer, plus pour l’aimable demoiselle que pour toi ; mais les vœux doivent s’accomplir. Tu trouveras ton cheval ce soir à l’auberge Lafrenière, aux Trois-Rivières, avec quelques écus pour payer les pas que je lui aurai fait faire d’ici là. C’est tout ce que je puis faire pour toi, à moins que tu ne veuilles me le disputer les armes à la main.