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Mais la reine éclatant dès qu’elle le discerne :
« Céryce, dans quel but te mandent les galants ?
Est-ce pour ordonner aux femmes de service
De quitter leurs travaux, de courir à l’office ?
Ah ! cessant désormais vos pourchas insolents,
Puissiez-vous faire ici votre ultime bombance,
Vous qui, toujours ligués, dévorez les grands biens
Échus à Télémaque ! Au temps de votre enfance,
Vous n’avez donc jamais ouï dire aux anciens
Quel homme fut Ulysse à l’égard de vos pères ?
Ni de fait, ni de bouche, il ne les désola.
C’est le propre pourtant des hautains sceptriféres
De chérir celui-ci, d’abhorrer celui-là.
Lui, son autorité n’incommoda personne.
Mais votre âme se montre en ces lâches tracas,
Et des bienfaits passés vous ne faites plus cas. »

Médon, qu’aux bons discours la prudence façonne :
« Reine, si c’était là le plus grave malheur !
Mais de tes Prétendants l’infamie en prépare
Un autre plus affreux ; Zeus soit notre sauveur !
Ils veulent que ton fils, sous leur glaive barbare,
Succombe à son retour ; car d’Ulysse il s’enquiert
Dans la sainte Pylos et Sparte la divine. »

Pénélope chancelle, et son esprit se perd ;
Elle reste accablée ; à flots sur sa poitrine
Tombent des pleurs brûlants ; sa douce voix s’éteint.
Enfin, elle reprend après un long silence :
« Héraut, pourquoi sa fuite ? Et comment n’a-t-il craint
D’escalader ces nefs qui sur la mer immense
Sont les coursiers de l’homme et l’entraînent au loin ?