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Qui pour mes intérêts supporta mille épreuves !
Certes sur tous les Grecs, il aurait eu des preuves
De ma chaude amitié, si le haut Jupiter
Eût à nos promptes nefs rouvert nos douces plages.
Il aurait dans l’Argos une ville, un palais,
Étant venu d’Ithaque avec tous ses bagages,
Son fils, son peuple entier ; pour lui je dépeuplais
Quelque cité voisine à mon sceptre soumise.
Là, nous nous serions vus l’un l’autre fréquemment,
Et rien n’aurait troublé notre union exquise,
jusqu’au funèbre jour du commun dénouement.
Mais un dieu nous devait envier cette chance,
Puisque au loin, de par lui, ce seul preux demeura. »

Il dit ; et ce langage attendrit l’assistance.
Hélène l’Argienne, enfant de Zeus, pleura ;
Télémaque de même, et Ménélas encore.
Nestoride à son tour eut des pleurs convaincus,
Car il se souvenait du noble Antilochus
Qu’occit l’illustre enfant de la brillante Aurore.
Plein de ce souvenir, il dit ces mots volants :
« Atride, en son palais, dans nos propos d’usage,
Quand de toi nous parlions, Nestor aux cheveux blancs
T’appela mainte fois des mortels le plus sage.
Eh bien, si c’est possible, écoute. Le festin
Où l’on gémit m’abat ; mais demain de bonne heure
Renaîtra l’Aube : alors, je comprends que l’on pleure
Les guerriers qui sont morts, subissant leur destin.
Pour les tristes défunts le seul tribut qu’on sache
Est de tondre son poil, de geindre à l’unisson.
Mon frère aussi mourut ; il n’était le plus lâche
Des Argiens. Tu dois l’avoir connu ; moi non :